Cette nuit,
La neige à ensevelie,
Chaque souvenir de ma vie.
Chaque hiver glaçial et froid,
Me rapelle à chaque fois,
Pourquoi je suis là.
Le paysage,
Chasse les orages,
Pour que mon coeur rage.
Voili voilou, c'est toujours aussi pourri mais c'est pas grave.
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- » [100 pages] Talent d'écrivain? Les rimes et vous ne font qu'un ? #1
#501 Le 29-10-2012 à 08h01
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#502 Le 29-10-2012 à 09h13
Non, il est super ton poème Sucre-kannelle!
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#503 Le 29-10-2012 à 09h22
Sinon, voilà un petit poème que j'ai inventé:
LA VIE
Il faut quelqu'un pour créer,
Quelqu'un pour aider,
Quelqu'un pour nourrir,
Quelqu'un pour grandir.
Il faut quelqu'un pour rencontrer,
Quelqu'un pour continuer,
Quelqu'un pour un sourire,
Quelqu'un pour un soupir,
Quelqu'un pour MOURIR.
Il faut des yeux pour pleurer,
Une voix pour chanter,
Un cimetière pour enterrer,
De la terre pour refermer.
Il faut la mort pour monter aux nuages,
La mort pour ne plus avoir d'âge,
Et là, on peut voir nos créations, même si certaines sont ratées,
Notre œuvre se renouveler,
Dans le monde entier.
Voilà, dites-moi vos avis, j'espère que ça vous a plu!
Dernière modification par ropoulette (Le 29-10-2012 à 09h24)
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#504 Le 29-10-2012 à 14h48
coucou!!
j'adore vos poemes et vos histoire!:
Dernière modification par lallalina (Le 29-10-2012 à 14h55)
Il était une fois, une souris nommée Bleuette qui rêvait de devenir princesse. Vous pourrez lui procurer un grand bonheur en lui envoyant des défis ( non-misés ) pour réalisé son rêve ! Elle vous en remercie d'avance !
╔══╗
╚╗╔╝. (/_/) ce serait cool qu'on puisse
╔╝(¯`v´¯) (°x°). Avoir des lapins sur cromimi
╚══`.¸ Cromimi♥. _/(")(")_ ceux qui sont d'accord avec
Moi copient ce message
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#505 Le 29-10-2012 à 16h11
petite histoire comme ça...
C'est de l'anglais..
Case leek
Pickle: Where is the leek?
Salad: Haaaaaaaaaaa the leek was picked up by this crazy hair to blue!
Hatsune:Sorry but I must make a soup
Cauliflower: Did you heard? She killed leek!
Vegetables: aaaaaaaa we're all gonna die! Who can save us?
Snail :Me! I'm super-snail, the hero of the garden!
Tomato to Pickle: uh ... it is serious?
Pickle: unfortunately ....
Snail to Hatsune: It relies leek!
Hatsune: uh ..... Why?
Snail: I am the avenger garden, the hero of the galaxy!
SPOTCH!(Snail crushed under Hatsune's boot)
Vegetables: aaaaaaaaahhhhh our hero!
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#506 Le 31-10-2012 à 10h19
J'aime beaucoup, mais l'avant-dernier vers sonne bizarre ce serait mieux avec "notre oeuvre s'est renouvelée"ropoulette a écrit :
Sinon, voilà un petit poème que j'ai inventé:
LA VIE
Il faut quelqu'un pour créer,
Quelqu'un pour aider,
Quelqu'un pour nourrir,
Quelqu'un pour grandir.
Il faut quelqu'un pour rencontrer,
Quelqu'un pour continuer,
Quelqu'un pour un sourire,
Quelqu'un pour un soupir,
Quelqu'un pour MOURIR.
Il faut des yeux pour pleurer,
Une voix pour chanter,
Un cimetière pour enterrer,
De la terre pour refermer.
Il faut la mort pour monter aux nuages,
La mort pour ne plus avoir d'âge,
Et là, on peut voir nos créations, même si certaines sont ratées,
Notre œuvre se renouveler,
Dans le monde entier.
Voilà, dites-moi vos avis, j'espère que ça vous a plu!
Sinon voilà la suite de "Lorsque l'oiseau vole" ! Enjoy !
Spoiler (Cliquez pour afficher)
Elle n'aimait rien tant que cela. S'asseoir sur un rocher et contempler la mer. Laisser les rayons satinés du soleil caresser son visage. Regarder les bateaux osciller doucement. Écouter le chuchotement des vagues s'écrasant sur les galets, le cri rauque du goéland affamé, ou encore l'harmonieuse symphonie du rouge-gorge perché dans un arbre. Sentir l'odeur âcre des algues qui sèchent. Odeur que certaines personnes détestent odeur qui chatouillait ses narines depuis sa plus tendre enfance. Murmurer ses secrets aux crabes, crevettes ou gobies. Faire couler du sable entre ses doigts, ce sable si fin et doux. Courir dans le vent, pieds nus sur ce même sable. C'était ça la vraie vie pour elle, se sentir en communion avec la nature.
Mais aujourd'hui, quelque chose clochait. La mer était mauvaise, elle pouvait distinguer des moutons blancs d'écume au loin. De lourds nuages noirs masquaient le soleil. Les vagues n'émettaient plus un chuchotement mais un fracas infernal. La marée était haute, si bien que la sable était entièrement recouvert. Le chemin qu'elle empruntait d'habitude pour atteindre son rocher favori lui semblait à présent dangereusement escarpé. Les oiseaux s'étaient tus. Il n'y avait plus aucune trace d'animaux dans les mares d'eau salée.
Tout était différent. Léna avait un mauvais pressentiment. Elle se hissa malgré tout sur son bloc de granit préféré. De là-haut, elle avait vue sur toute la plage. Elle inspira, mais ce ne fut pas la fragrance familière des algues qui pénétra dans son nez.
C'était une odeur métallique.
Étrange, vraiment étrange, pensa-t-elle. Peut-être un volatile blessé, coincé sous un bloc où la mer l'aurait abandonné. Elle descendit du rocher, puis le contourna. L'odeur se fit plus forte. Léna trébucha, faillit tomber, et ne retrouva son équilibre qu'au dernier moment. Elle se pencha, et jeta un coup d’œil.
Oh mon Dieu, pensa-t-elle.
Ce n'était pas un oiseau blessé. C'était un cadavre. Une femme. Le sang coulait lentement d'une plaie sur sa tête, et de longues zébrures ornaient ses bras. La délicate peau blanche de son cou était également meurtrie par des entailles qui formaient un complexe motif.
Léna resta un moment sans bouger, hébétée, à contempler le macchabée, les yeux dans les yeux avec la mort. Puis, elle reprit ses esprits. Après tout, ce n'était que du sang. Elle examina la jeune femme. Environ vingt-cinq ans, peau laiteuse parsemée de grains de beauté, cheveux blonds bouclés qui retombaient délicatement sur ses épaules dénudées. Sans ses yeux fixes, on aurait pu croire qu'elle était vivante. Réprimant un frisson de dégoût, Léna effleura son bras. Il était encore tiède. Léna abaissa son regard vers les pieds de la jeune femme. Ils étaient tout écorchés. La personne qui l'avait tuée l'avait tirée par les bras, ses pieds avaient rappé contre le granit. Puis cette même personne l'avait abandonnée, ici il y a moins d'une demi-heure. Ce devait être quelqu'un de très précis et méthodique, car les motifs sur son cou étaient soigneusement tracés.
Meurtre. Assassinat. Homicide. Tant de mots pour qualifier ce crime qui venait d'être commis. Mots qui résonnaient dans la tête de Léna. Meurtre. Assassinat. HOMIDICIDE !
Elle prit soudain conscience de la réalité. C'était un acte prémédité ? Quelqu'un avait tué cette femme de sang-froid. Une larme solitaire perla sur la joue de Léna, et une question lui vint à l'esprit.
Qui ?
Occupée à dégainer son portable coincé dans sa poche pour appeler la police, elle ne remarqua pas la plume posée sur la main de la victime.
Plume que le vent breton emporta rapidement.
*
Son rire résonna désagréablement dans ses oreilles.
Soudain elle l'énervait. Pourquoi l'avait-il invitée ? Certes, elle était jolie, mais..
Il soupira de mécontentement. Assise face à lui, elle continuait de parler avec le débit d'une mitraillette, s'arrêtant juste pour reprendre son souffle et rire. Pourtant, il n'y avait rien de drôle dans ce qu'elle racontait.
A présent, il planait complètement, et n'écoutait plus les propos de sa compagne, qui blablatait toujours. Fausse blonde aux cheveux longs et abîmés par un lissage excessif, yeux cernés par un épais trait de crayon noir, top décolleté imprimé léopard et talons vertigineux, elle possédait un genre assez particulier. Malgré tout elle rayonnait, joyeuse et naïve. Ce qui le gênait, c'est qu'elle possédait une intelligence égale à celle d'un poisson rouge. Il lui avait demandé si elle aimait Van Gogh, et elle lui avait répondu qu'elle ne connaissait pas ce joueur de foot. Bref, cette fille était un véritable cliché, un stéréotype ambulant. Cette comparaison le fit sourire, et la femme lui demanda alors :
- A quoi penses-tu ?
Il détestait qu'on lui pose cette question. Non, décidément, il ne comprenait pas pourquoi il l'avait invitée. Il cherchait une excuse bidon pour s'en aller, quand il eut une idée.
Allons faire un tour dehors, j'étouffe ici !
La femme acquiesça, lui lança un sourire (aveuglant) de toutes ses dents blanches, puis le suivit à l'extérieur du bar. Perchée sur ses escarpins, elle ne marchait pas, elle ondulait.
Elle n'ondulerait plus très longtemps, se dit-il.
De sa main gauche, il caressait une plume logée dans sa polaire, tandis que son index droit frôlait le fil tranchant d'un couteau.
Brusquement, il s'arrêta au milieu de la rue. Son évaporée compagne, pendue à son bras comme une veste à un porte-manteau, glissa, et se raccrocha à lui.
Non, il ne la tuerait pas. Il avait autre chose à faire ce soir, de plus c'était trop risqué, de nombreuses personnes avaient été témoins de leur rencontre. Il eut du mal à refréner l'Envie, ce désir pur et fou qui courrait depuis peu dans ses veines. C'était si simple d'ôter la vie. De tout contrôler. D'être enfin le maître, d'être tout puissant. Invincible. Il aimait être le chef, mettre fin à la complexe et ordonnée mécanique du corps humain. Mais non, pas maintenant. Il fallait attendre, guetter, prévoir. Qu'il avait hâte de goûter au plaisir de traquer sa proie, de voir la peur s'allumer dans ses yeux à la vue de son arme, l'étonnement de la victime quand il posait une plume sur sa main, puis la souffrance quand il gravait des mots en russe sur sa peau. «Птица вылетает», «'oiseau a prit son envol ».
Il s'arracha violemment à l'étreinte de la blonde, qui s'étala de tout son long sur les pavés humides de Lannion. Puis, il disparut à grandes enjambés.
Le patron du bar sortit alors, et lança à la jeune femme :
Eh ! Vous ! Oui, vous ! Je vous vois venir...N'oubliez pas de payer l'addition !
*
Paresseusement étendue sur le canapé, Léna lisait. Le silence était régulièrement brisé par le ronronnement d'un gros matou roux, roulé en boule sur les jambes de la jeune femme. Elle avait passé la journée seule, au calme, pour se remettre de ses émotions de la veille. Un sourire flotta sur ses lèvres. Trouver un cadavre sur une plage, ce n'est pas un loisir courant. Elle attrapa l'objet le plus proche (un crayon gris à la mine pointue : elle aimait que ses crayons gris soient bien taillés, c'était une habitude étrange, qui, selon certaines personnes, montrait le perfectionnisme dont elle faisait preuve.) pour marquer sa page, puis elle alluma la télévision. Tandis que le générique du journal de 20h défilait sur l'écran, elle grattouilla le chat sur la tête.
« - Tu n'as pas de soucis toi au moins...Tu ne te rends pas compte de ta chance : tu es nourri, logé, et câliné. C'est beau d'être un chat !
Elle reporta son attention sur la télé. « Femme retrouvée... » Elle changea de chaîne. « Drame à Tresmeur ». Elle zappa de nouveau. « Étranges motifs... »
Évidemment, il fallait s'y attendre, la presse avait été avertie. Le meurtre d'Anna Juvo, (car la victime avait été identifiée) faisait la une de tous les journaux, et était présent sur toutes les chaînes télévisées. Léna éteignit la télé. Au même moment, la sonnerie du téléphone retentit. Son cœur s'accéléra brutalement. Nathaniel ! Elle bondit du canapé, délogeant le chat qui émit un miaulement de protestation.
-Allô ? Oui, et toi ?... Rien de spécial, j'ai lu. Pas ce soir ?... Pourquoi ?...Trop de travail, oui je comprends. A demain alors ? OK, je...
Léna hésita un instant, puis se ravisa. Pas maintenant, c'est trop tôt. Ces deux mots étaient trop important pour être utilisé à présent.
-Non, rien. Bonne nuit...
Elle pressa le bouton rouge, puis contempla tristement le téléphone. Elle aurait aimé le voir. Tant pis, elle allait regarder un film, en mangeant du chocolat. Drôle de substitut à son petit ami. Est-ce qu'elle pouvait l'appeler comme ça ? Est-ce qu'il méritait qu'elle l'appelle ainsi ? Peut être devrait elle dire « mon copain » ou alors, « mon ami » ?
Et si ce n'était pas du travail qui le retenait chez lui, mais une fille ? Une fille qui n'a pas peur de lui parler du passé, une fille qui évoque des souvenirs joyeux, une fille qui dit oui, pas une fille qui s'échappe quand il veut en savoir plus, quand il veut aller plus loin, roseau qui plie sous le vent.
Le chat se planta devant elle et lui adressa un regard accusateur. S'il avait pu parler, il lui aurait sûrement dit :
-Arrête de t'en faire pour rien. Vis au jour le jour ! Vas de l'avant, et surtout, ose !
Elle allait suivre son conseil.
Léna revêtit son manteau, attrapa les clés de sa voiture, et sortit précipitamment. Le vent glacé s'engouffra dans le salon, et fit fuir son félin conseiller.
*
La dernière fois, tout s'était déroulé comme dans un rêve. Un grand calme avait envahit sa tête, faisant enfin taire les souvenirs. Cette fois-ci, rien ne marchait comme prévu. Tout lui échappait. Il n'avait pas réussi à l'assommer du premier coup, si bien qu'elle lui avait lancé un coup de pied mal placé. Il était resté quelques secondes à se tordre de douleur à terre, avant de se relever et de la courser. Elle ne courrait pas bien vite, et de toute façon c'était une impasse. Il l'avait rapidement rattrapée, puis embarquée dans sa voiture pour l'amener jusqu'à la plage. Il avait, après mûre réflexion, décidé de la laisser là.
Un gémissement interrompit le cours de ses pensées. Il regarda la femme qui s'était réveillée.
-Que me voulez-vous ? S'il vous plaît, laissez-moi, laissez-moi ! Pitié... Laissez-moi partir où j'appelle les flics, dit-elle.
-Vous ne pouvez pas, vous êtes attachée, lui répondit-il calmement.
Elle essaya de bouger ses poignets. Malheureusement pour elle, ils étaient liés par une corde qui entaillait sa peau. Paniquée, elle se mit à crier.
Le cri résonna dans ses oreilles.
-Fermez-la !
La femme se tut, et commença à sangloter. Elle était dans un bel état, les cheveux en bataille, une bosse sur le crâne, un talon cassé et les poignets en sang à cause de la corde.
Il soupira.
-Pourquoi je suis attachée ? Vous comptez me faire quoi ? Abuser de moi ou me tuer ?
-Vous êtes attachée parce j'ai besoin que vous le soyez. Je ne compte aucunement abuser de vous. C'est de votre faute.
- Qu'est ce qui est de ma faute ? Vous croyez que je suis contente d'être là ? Alors vous allez me tuer ?
Il ne répondit pas, et s'agenouilla à ses côtés. Il sortit de sa poche un objet qu'elle ne réussit pas à identifier, jusqu'à ce qu'il l'élève au-dessus de sa tête. La lune l'éclaira furtivement, faisant reluire l'acier. Un couteau.
Il lui prit fermement le bras, et entailla la chair tendre.
-Répondez-moi ! Qu'est ce que vous faites ? Salaud, lâchez-moi, vous me faites mal !
Elle grimaça sous la douleur, puis se mit à l'insulter, abandonnant toute politesse, soudain pleinement consciente qu'elle ne verrait plus le jour. Il l'ignora. A l'instant, ce n'était plus une femme, mais un animal apeuré, sauvage, dont l'instinct se réveillait, l'avertissant du danger. Elle essaya de le frapper, mais il évita sans peine le coup, rendu lent par la peur et les poings liés.
-Lâchez-moi, lâchez mo...
Sa phrase fut étouffée par la main que l'homme posa sur sa bouche. Il continuait, inexorablement, de zébrer ses bras d'entailles sanglantes.
*
La jeune femme se gara en soulevant un nuage de poussière. Nathaniel n'était pas chez lui. Il lui avait menti.
Léna actionna la poignée. La porte s'ouvrit en produisant un léger grincement. Ce n'était même pas fermé. Elle pénétra dans la maison.
-Il y a quelqu'un ?
Personne ne répondit.
Elle sourit en pensant que, dans les films d'horreur, les héros posaient souvent cette question. Comme si le tueur qui le guettait allait répondre "Je suis dans la cuisine, tu veux un sandwich ?"
Elle scruta la pièce. De grandes étagères débordaient de livres, remplis à raz-bord. Elle tâtonna à la recherche de l'interrupteur, sans succès. Les volets clos laissaient juste un filet de lumière éclairer la pièce. La jeune femme attrapa un livre et en lut la quatrième de couverture. Le résumé était pour elle l'équivalent du mot « anticonstitutionnellement » pour un étranger qui venait juste de commencer à apprendre le français. Elle reposa le livre à sa place, ouvrit une porte et entra. Cuisine, parfaitement rangée. Elle aurait pu manger par terre tellement c'était propre. Elle fit demi-tour, et se dirigea vers une autre pièce. Son entrée fut salué par des battements d'ailes et des piaillements. Sur deux murs s'étendaient des petites cages, remplies d'oiseaux. Des perruches ondulées, des canaris, des diamants de gould, il y en avait de toutes sortes.
Elle longea un couloir, entra dans une pièce. C'était sa chambre. Le lit était défait, une chemise, un pantalon et une veste traînaient sur une chaise. L'armoire était grand ouverte, des vêtements tombaient de leurs cintres, comme si il avait cherché quelque chose puis était parti précipitamment.
Léna s'avança vers le bureau. L'ordinateur était allumé ! Non, elle ne pouvait pas faire ça. Elle allait sagement aller l'attendre dans le salon.
Mais la tentation était trop forte. Après tout, il lui avait menti. Léna s'assit sur la chaise, et fouilla dans l'historique. Qui sait ce qu'elle y trouverait ? Ses doigts volaient sur les touches, quand elle entendit des cris d'oiseaux, puis le bruit de freins sur les gravillons. Elle eut juste le temps de consulter l'historique. Elle y trouva uniquement des sites connus, à part un forum étrange, répondant au nom de « qui nécessitait un mot de passe. Qu'est-ce que ça pouvait bien être ?
*
Nathaniel se gara devant la maison avec l'adresse de l'habitué qui effectue cette manœuvre plusieurs fois pas jour. Il n'aperçut pas immédiatement la voiture. Il était serein, presque joyeux. Il se mis à fredonner une chanson dont les paroles le marquait.
How long must we sing this song? How long? How long?
Il s'interrompit en remarquant la minuscule Twingo grise garée devant la vieille maison.
Léna ?
Son cerveau s'activa, il lui fallait trouver une excuse. Il était passé maître dans l'art de mentir, elle ne se douterait de rien. Il rebroussa chemin, fouilla sous le siège passager de son véhicule (sa poubelle, il jetait tout là-dessous), et attrapa ce qui lui tombait sous la main. Ses doigts effleurèrent quelque chose de gluant, (qu'est-ce que ça pouvait bien être ?) puis un plastique collant, avant de s'emparer d'un objet doux et flétri. Il sortir sa main de l'ombre pour découvrir...Une endive. Une endive ? Une endive en mai ? Depuis combien de temps traînait-elle là ? Il était temps de ranger. Vraiment.
Il marcha vers la vieille bâtisse. Il poussa la porte au bois élimé, puis entra.
Léna attendait, assise entre deux ressorts sur un canapé miteux, les bras croisés.
-Qu'est ce que tu fais là ?
-Quand on est poli, on dit d'abord bonjour.
Aïe, elle était vraiment en boule.
-Bonjour.
Il posa furtivement ses lèvres sur les siennes, puis se recula.
-…
-Je suis allé acheter une endive au supermarché...J'avais envie d'une salade.
Il tressaillit devant le regard foudroyant que la jeune femme lui adressa.
-Tu te fous de moi ?
Merde. Merde ! Se rattraper, trouver une idée, et vite.
-J'ai pris celle qui venait... J'étais pressé de rentrer pour travailler.
-La saison des endives c'est en mars. Pas en mai.
-Il a fait tellement froid que ce n'est pas un souci.
Le regard de Léna se radoucit. Ouf, sauvé...Pour cette fois.
-Comment es-tu rentrée ?
-J'ai pété une fenêtre, fit-elle, un sourire moqueur plaqué sur les lèvres. Mais non, je suis passée par la porte, comme tout le monde ! Tu devais en avoir sérieusement envie de ta salade, pour oublier de fermer en partant !
-Ah...
Naturellement, elle se dirigea vers la cuisine, fouilla dans plusieurs placards, dénicha un saladier, deux tomates, des noix. Devinant sa pensée, il sortit une planche à découper, des couteaux, de quoi mettre la table.
-J'ai fait la connaissance de ta ménagerie...C'est joli toutes ces couleurs.
-J'aime les oiseaux. Alors quoi de plus naturel que d'en élever ?
-Faut que tu me les présente en bonne et du forme. Ils ont des prénoms ?
-Plutôt des numéros, à part mes favoris bien sûr.
-Parce qu'il y a des chouchous en plus ?
A présent ils mangeaient la salade mensongère, assis sur les chaises froides, devant la table en bois abîmé, rayée par le passage de multiples objet, porteuse de longues balafres gravées dans le chêne (cicatrices de guerre ?).
Nathaniel scruta le visage de Léna. Son cœur se serra. C'est la première fois qu'il ressentait cela pour une femme. Léna était un paradoxe vivant. Son paradoxe.
Des cheveux couleur aile de corbeaux, légèrement ondulés, épais et sombres, encadrant un petit visage ovale taillé à la hache, aux angles cassants qui lui donnaient un air sauvage. De grands yeux à la couleur indescriptible, gris, verts, avec des nuances fauves près de la pupille et des paillettes d'or, qui mangeaient son petit visage. Ses yeux clignaient souvent, observaient tout et vous transperçaient, paraissaient lire en vous, semblaient distinguer chaque parcelle de votre âme. Des yeux dans lesquels on évite de plonger son regard, que l'on affronte pas. Un nez de taille moyenne, et une bouche charnue qui paraissait minuscule, tant ces yeux étaient grands. Des mains qui papillonnaient à chaque parole, aux longs doigts, un poignet minuscule aux os fins. Un grain de beauté sur la joue, un au-dessus du sourcil droit, et un autre qui le narguait dans la nuque. Un rire de petite fille piégé dans ce corps de femme. Corps mince et souple parfois, dur et cassant là où les coudes saillent, où les clavicules accentuent la minceur, où les os des hanches sont trop visibles. Presque trop mince, si bien qu'il aurait peur de la casser. Avec ça un caractère changeant, assorti au physique. Elle pouvait faire preuve d'une colère incontrôlable et l'instant d'après, fondre en larme en se rendant compte des dégâts causés par cette rage sourde. Elle pouvait être tendre et douce, tenter puis repousser, se dévoiler puis ne plus parler du passé pendant plusieurs jours. Elle écrivait, puis elle effaçait. Arrête Léna, arrête d'effacer...
-Pourquoi tu me regardes comme ça ?
-Tu es belle.
Elle s'attendait à tout sauf à cette réponse. Un étonnement total se lisait sur son visage. Elle avait un charme particulier, avec cet air à la fois fragile et dur, mais il était attiré par elle comme un aimant l'est par le métal. Il avait envie d'être toujours à ses côtés, de la voir, de la toucher. Il...l'aimait ?
Sentiment nouveau pour lui. Il n'avait jamais connu ça.
Nathaniel se pencha vers la jeune femme, toute réserve disparue, et posa sa bouche sur la sienne.
-Léna...Je t'aime.
*
De multiples pensées déferlèrent dans l'esprit de Léna. C'était un innommable bordel dans son crâne. Il lui semblait que ses neurones dansaient la salsa, que son cœur jouait à chat avec ses intestins. Elle en fut toutes retournée pendant quelques instants. C'était...Woaw.
Un peu plus et elle aurait pu se croire dans un film de Walt Disney dégoulinant de mièvrerie et de tendresse, où tout est bien qui finit bien, où le grand méchant est puni et l'adorable princesse heureuse. Beurk. On oublie de dire aux petites filles que le cheval blanc se casse régulièrement la jambe et que le soigner coûte cher, que le prince est un coureur de jupon quitte Blanche-Neige pour la méchante belle-mère, et surtout que le prince n'est pas toujours celui que l'on croit. Rien n'est tout beau, tout blanc tout gentil, rien n'est tout noir, tout méchant, tout horrible. Le monde est juste fait de milliers de nuances de gris.
Et personne n'est parfait. On ne le sait pas, mais la princesse est peut être amoureuse de l'un des sept nains. Peut-être aussi qu'elle a des boutons, un nez trop grand, des yeux trop petits et des sourcils trop épais. La perfection n'existe pas, quoi que Blanche-Neige dise.
Nathaniel était ponctuel, galant juste ce qu'il faut, gentil, intelligent sans aucun doute, ni pauvre ni riche, cultivé, ni macho ni paresseux. Il avait en plus ce charisme qui fait qu'un sourire vous bouleverse, et le mystère qui régnait sur son passé et sur sa vie en général l'attirait.
Ce n'était pas possible, il devait bien avoir un défaut !
Il était trop parfait pour être réel... Juste pour être sûre, elle le pinça. On ne sait jamais.
-Aïe ! Qu'est ce que tu fais ?
-Je voulais juste vérifier que tu existais vraiment...C'est trop beau pour être vrai !
-J'embrasse si bien que ça ?
Ils rirent à l'unisson, mais le rire de la jeune femme se brisa à l'instant où Nathaniel lui ôta son pull et caressa son dos. Le prince avait-il des intentions...moins innocentes ? Il était temps de l'arrêter là.
A moins que...
Non, non, tais-toi Léna. Ne dis rien, c'est trop agréable. Chut, chut, chut. Alors la petite voix de la raison se tut, et les mains continuèrent leur œuvre. Elle atteignirent bientôt une zone pâle et bosselée, quittant le satin de la peau dorée. Une cicatrice ?
-Qu'est ce que...fit-il.
-Rien. Ce n'est rien.
Il ne posa pas de questions, de peur de briser l'instant présent.
*
Le soleil du matin entra par la fenêtre et réveilla Léna. Elle ouvrit difficilement les yeux, et sourit en apercevant Nathaniel endormi à ses côtés. Le prince charmant était encore dans les bras de Morphée...
Elle repoussa la couette, pose ses pieds à terre. Ses poils se hérissèrent sous la caresse du froid, un frisson glacial courut le long de sa peau nue. Elle se leva, et enfila des chaussons beaucoup trop grands pour elle. Taille 43 alors qu'elle chaussait du 38. Comique, elle allait marcher comme un canard. Elle revêtit ses vêtements de la veille, et farfouilla à la recherche de ses clés. Envie de pain frais tartiné de Nutella. Bonheur des papilles en perspective. Elle sortit sans faire de bruit, referma la porte derrière elle, sourire jusqu'au oreilles. Elle était heureuse, enfin.
Elle attrapa une polaire marron très laide, pour se protéger du froid. Pas très esthétique, mais au moins elle aura chaud. Le soleil a beau briller de toutes ses forces, il y a toujours un vilain petit vent qui souffle le matin.
Elle entra dans la boulangerie, et renifla la bonne odeur de pain frais. Miam. La jeune femme ressortit, deux baguettes croustillantes et farineuses sous le bras. Elle fourra la monnaie dans sa poche, se dirigea vers la maison de la presse. Elle aimait bien lire les nouvelles du jour. Assise dans la voiture, elle déplia le journal qu'elle venait d'acheter, avant de laisser échapper un juron en découvrant la une.
« L'oiseau tueur a encore frappé »
Ainsi ce n'était pas un crime passionnel isolé. Un malade mental courrait en liberté sur les plages trébeurdinaises et provoquait la police en abandonnant sa pauvre victime non pas sur la plage de Tresmeur cette fois-ci, mais à Goas Trez. Ça donne envie d'aller pêcher des palourdes tout ça, pense-t-elle.
En effet, à Trébeurden, il y a quatre plages. Tresmeur, où les habitués et les touristes se retrouvent, Goas Trez pour la pêche aux coques ou la pêche aux palourdes, Pors Termen quand le vent du nord souffle, ainsi que Pors Mabo, pour les gens solitaires.
Un meurtre pour chaque plage ? C'est le même tueur, c'est encore une femme avec un mot gravé dans la chair. « Птица была там », « l'oiseau est passé par là ». Énigmatique. Une plume avait également été retrouvée, coincée dans les cheveux de cette pauvre femme. Les journalistes prétendaient que c'était un crime parfait. Pas d'ADN, pas de témoins. Aucuns indices. Ils savaient juste que c'était un homme.
Cela la dégouttait qu'un tel monstre soit en liberté. Peut-être l'avait-elle même déjà rencontré, sans savoir qui il était. Elle souhaitait vraiment qu'il se retrouve sous les barreaux.
Comment fait-il pour faire taire sa conscience, et ignorer les remords, se dit elle ?
Si remords il y avait.
*
Léna enleva la polaire et la jeta négligemment sur le canapé. Elle remplit la gamelle du chat, avant de foncer dans sa chambre. Elle sortit une valise d'un placard, attrapa quelques vêtements dans son armoire, saisit des livres, et balança le tout à l'intérieur. Trop pressée pour bien plier. Trop hâte de revoir Nathaniel...
Nathaniel... Brun, des yeux en amande couleur ambre, qui la contemplait tendrement. Nathaniel, aux bras réconfortants qui lui donnaient l'impression d'être en sécurité.
Ses pensées furent interrompues par le gargouillement de son estomac. Deuxième constatation anti-Disney : on ne peut pas vivre d'amour et d'eau fraîche.
Elle ferma la valise, et se précipita dans le salon. Elle chercha ses clés du regard. D'habitude elle les posaient...N'importe où en fait.
Elle chercha un peu partout, avant de s'emparer de la polaire de Nathaniel et d'en fouiller les grandes poches. Elle la portait en sortant de la voiture, elle avait peut-être fourré les clés dedans...
Impatiente, elle secoua la polaire. Des pièces tombèrent en tintant (la monnaie du pain!), bientôt suivies par un emballage de chewing-gum et une plume. Une plume ? Elle fouilla l'autre poche, secoua le vêtement dans l'autre sens. Ses clés tombèrent, ainsi qu'un couteau.
Un couteau ? Une plume ?
Non, non.
L'oiseau tueur...
Pitié, non. Non, pas lui. C'était une erreur. Un cauchemar peut-être.
Tu aimes un tueur...
Léna ouvrit les yeux, mais le couteau et la plume gisaient toujours à terre. Elle les attrapa pour les examiner de plus près. La plume était d'un jaune délicat. Une plume de canari. Le couteau, lui, était parfaitement propre.
Après tout, il pouvait bien garder un couteau dans sa poche pour se défendre. Et la plume était peut-être un souvenir. Une émouvante relique.
Un point d'un rouge presque noir attira son œil sur l'objet. Dans le petit creux entre la lame et le manche, une goutte de sang coagulé.
Plus de doutes cette fois, plus d'excuses.
Léna s'effondra au sol, et se mit à sangloter. N'aurait-elle donc jamais droit au bonheur ? Pourquoi fallait-il toujours qu'elle tombe sur la mauvaise personne ? Pourquoi ? Pourquoi ?!
Des larmes roulèrent sur ses joues, perles de tristesses, avant de s'écraser au sol, mouillant la petite plume. La jeune femme l'attrapa et la lança vers le mur. Elle retomba tristement à terre sans même le toucher. Elle lança alors le couteau rageusement. Il griffa la tapisserie et tomba avec un tintement métallique. Elle suffoquait, étouffait dans ses larmes, anéantie. Alors il ne l'aimait pas vraiment ? Elle était juste une future victime, trophée de chasse parmi tant d'autres. Vu son minois et son charme dont il usait et abusait, toutes les femmes devait être à ses pieds.
Ses larmes redoublèrent, et elle se roula en position fœtale sur le lino froid. Dégoût, amour, tristesse et regrets se mélangeaient. Elle se traîna ensuite jusqu'aux toilettes, où elle rendit tout son petit-déjeuner. Elle n'était plus que le pâle reflet de la Léna heureuse de ce matin. Ses cheveux emmêlés semblaient à présent gris dans la lumière blafarde des néons, et elle était livide. Elle s'assit sur la cuvette dont elle avait fermé l'abattant, puis pris sa tête entre ses mains. Elle recommença à pleurer. Qu'allait elle faire à présent ?
Un miaulement brisa le silence, bientôt suivi par un doux ronronnement. Le chat.
Elle le serra dans ses bras, un peu trop fort à son goût, car il se dégagea et s'enfuit en courant.
Même le chat ne l'aimait plus.
C'était la fin des haricots.
*
Pas de chance pour lui, elle habitait au deuxième étage d'un petit immeuble. Coup de chance, elle était chez elle.
Nathaniel hésitait. L'ascension serait difficile, peut-être douloureuse, mais pas impossible. Il cala ses pieds dans les interstices du mur et se hissa, étreignant la gouttière. Celle-ci gémit sous son poids et ploya dangereusement. Il ne se laissa pas décourager, monta plus haut, toujours plus haut. Enfin, il s'accrocha au balcon, et roula sous la barrière en verre.
Un mois qu'elle n'avait pas donné de signes de vie. Un mois qu'il avait passé seul, entre ses oiseaux, ses livres, ses doutes et ses démons. Et, accessoirement, ses collègues de travail.
Il distinguait vaguement sa silhouette derrière le rideau blanc, mais cela lui suffisait. Il voulait juste s'assurer qu'elle était vivante. Un accident de voiture, c'est si vite arrivé !
Rasséréné, il entreprit de descendre par le même chemin. La descente est toujours plus dure que la montée, se rappela-t-il. La gouttière grinça une nouvelle fois, et se décrocha. Des branches craquèrent, il se prit des fleurs dans la figure, puis, enfin, ses pieds touchèrent le sol. Juste à temps. Dans un réflexe surhumain, il attrapa la gouttière et amortit sa chute.
Il se dégagea du massif d'hortensia dans lequel il avait atterrit, frissonnant sous la morsure du vent. Il ne trouvait plus sa polaire.
Des branches craquèrent et il retint son souffle. Le silence régnait. Il se mit à courir, jetant de temps à autre un coup d’œil derrière lui. Tout à sa peur d'être découvert, il ne vit pas la masse sombre qui se dressait devant lui.
Il heurta la poubelle de plein fouet. Elle s'écroula sous l'impact, expulsant le sac poubelle. Un objet pointu le transperça, les ordures se dévidèrent sur le bitume.
Quelle ne fut pas la surprise de Nathaniel de découvrir son couteau émergeant de la gueule béante du monstre de plastique.
Les pièces du puzzle s'assemblèrent...
Les cheveux soulevés par le vent, elle marchait. La promenade était déserte, on aurait dit une ville, ou plutôt, une plage fantôme. Les couleurs lui semblaient tristes et délavées. Le vent emportait du sable qui fouettait ses jambes nues. Cet environnement d'habitude si familier était aujourd'hui presque agressif. Une chaleur moite et collante régnait, prémices d'un orage printanier.
Le mauvais pressentiment qui l'avait atteinte deux mois plus tôt enserra à nouveau sa poitrine d'une main de fer. A présent elle étouffait sous le ciel bas, il lui semblait entendre des pas derrière elle, elle sentait la piqûre brûlante d'un regard sur sa nuque. Son cœur se serra un peu plus.
« Tu deviens complètement parano. Complètement folle. Continue de marcher, tu rêves, tu rêves, tu rêves, tu rêves, ce n'est rien, ce n'est rien. »
Mais la sensation persistait, augmentait, et, n'y tenant plus, elle se retourna.
Elle ne rêvait pas. Il était bien là, derrière elle, un sourire avenant plaqué sur ses lèvres. Ce sourire... Il n'atteignait pas ses yeux, qui restaient froids, durs, emplis d'une lueur qu'elle n'avait encore jamais vue.
« - Léna...
Que faire ? L'ignorer ? Fuir ? Il courrait plus vite qu'elle, il aurait vite fait de la rattraper. Lui parler ?
-Tu sais que tu m'as manqué...Ce n'est pas très poli de laisser des gens qu'on aime sans nouvelles...Sans rien...pendant un mois. Tu te rends compte ? C'est long un mois, ça laisse le temps de réfléchir...de planifier....
Elle paniqua.
-Laisse-moi ! Disparais ! Disparais de ma vie ! Je ne veux plus te voir. Après ce que tu as fait...Je ne pourrais même plus te regarder dans les yeux, lui cracha-t-elle.
Tu en es sûre ?...
Avec un mouvement félin, qu'elle ne put arrêter, il attrapa son menton, forçant ses yeux à se plonger dans les siens, enserrant cruellement son poignet dans son autre main.
Ce regard la glaça littéralement. L'éclat chaud de ses prunelles noisettes n'existait plus. Rien que ce regard glacial, qui l'étouffait, la broyait.
-Léna...répéta-t-il d'une voix mielleuse, ma chère, ma tendre petite Léna...Si faible, si fragile...
Elle sentit quelque chose de froid contre son cou, un éclat bleuté l'aveugla.
-Tu cries, j'appuie. J'appuie, tu meurs, susurra-t-il d'une voix suave, juste à côté de son oreille.
Un couteau.
Elle ravala le hurlement qui montait dans sa gorge. Il la poussa légèrement, la main fermement ancrée sur l'arme.
Avance.
Et elle avança, tandis que son esprit tournait à cent à l'heure. Elle le pensait tout à fait capable de la tuer. Même si elle criait, personne ne l'entendrait. Ses pas s'enchaînaient, tandis qu'elle priait pour que quelqu'un, de préférence fort, arrive et remarque leurs comportements anormaux. Elle ne pouvait pas se soustraire à son étreinte, il était plus grand, et sans aucun doute plus fort qu'elle. Aucun échappatoire possible.
Ils descendirent un escalier, marchèrent un moment sur le sable humide, puis il l'entraîna sur les rochers. Elle peinait à avancer, collée à lui. Il arrivèrent bientôt dans une petite crique, à l'abri des éventuels regards.
-Qu'est-ce que tu vas faire de moi maintenant ? Tu vas me tuer ? Comme les autres ? Dit-elle. Le crime parfait n'existe pas. Alors arrête. On peut se tromper une fois, deux fois, trois fois. Mais il faut savoir reconnaître ses erreurs. C'est ça l'intelligence, la vraie. Stoppe tant que tu peux encore !
Elle avait tenté de faire passer à travers sa voix toute la force et la détermination qui l'habitaient encore. Peine perdue.
-Je n'ai rien à perdre. Absolument rien. Alors rien ni personne ne m'arrêtera
-Tu arrives à dormir la nuit ? Tu arrives à les faire taire les remords ? A étouffer ta conscience ? Ou est-ce que tu es juste un monstre sans cœur ? Et puis pourquoi ? Pourquoi tuer des femmes innocentes ?
-Je suis un monstre. Le meurtre, c'est une drogue, une drogue pure et dure, dont je ne serais plus jamais sevré.
-Je pensais que tu....
Les mots restèrent bloqués.
-Tu pensais que je t'aimais ?
Il approcha son visage du sien, si près qu'elle eut un instant la fugace espérance qu'il allait l'embrasser, que tout cela n'était qu'un cauchemar, un mauvais rêve. Qu'elle se réveillerait dans une vie parfaite. Il la plaqua contre le sable, le couteau toujours contre sa peau.
-Et bien tu t'es trompée.
Choquée, elle oublia un instant sa position de victime pour lui lancer une gifle. Elle profita de la seconde d'inattention qui suivit pour le repousser et s'éloigner tant bien que mal, des larmes roulant sur ses joues. Nathaniel jura entre ses dents, avant de la rejoindre. Il l'attrapa et bloqua ses poignets à l'aide de son bras libre, la joue marbrée de rouge.
-Tu pensais vraiment que je t'aimais ? Je suis un monstre Léna. Un monstre. Je suis incapable d'éprouver des sentiments pour quiconque ! Je vais te tuer !
-Je m'en fous. Parce que moi, je t'aime, dit-elle
-Ah oui, vraiment, et pourtant je te dégoûte ? C'est contradictoire comme sentiments...Et là, tu m'aimes encore ? Tu ne me détestes toujours pas ? Fit-il en traçant une sanglante balafre sur son bras, presque délicatement, de la pointe de son arme, comme un peintre appliqué sur sa toile.
Elle gémit, et tenta de se dégager. Elle lutta, le sang dégoulinant sur son chemisier, poisseux et chaud.
-Tu me déteste maintenant ? Ça y est ?
-Non, non, non, nooo...
Sa voix s'éteignit tandis qu'il l'écorchait une nouvelle fois.
*
Elle le regardait avec une expression si tendre. Elle avait l'air si fragile à présent qu'il aurait aimé l'épargner. Elle l'aimait. Elle pouvait le sauver. Elle voyait en lui plus que le monstre, elle discernait la lumière sous la noirceur. Si faible...
Elle mord sa lèvre inférieure, dans une mimique adorable qui la fait ressembler à une enfant, tentant d'empêcher ses larmes de couler. Si faible...
Non. Elle le déteste. Elle le hait. Elle est dégoûtée par lui. Comme tout le monde. Personne ne le comprend. Personne ne comprend cette pernicieuse douleur qui s'insinue au creux de son être. Personne.
Le sang, son sang, si rouge, si rouge, le faire couler encore, encore, c'est tellement simple d'ôter la vie, le sanglesanglesangleslarmeslesang.
Contrôle. Agit. Calmement. Ne laisse pas ton passager noir gagner.
Mais...
Ne lui a-t-elle pas caché des secrets elle aussi ? Cette cicatrice... Il n'aime pas les secrets.
*
-D'où elle vient, cette cicatrice ?
La cicatrice. Cette immonde marque qui partait de son omoplate droit et courrait jusqu'au bas de son dos, qu'elle cachait tant bien que mal, qui la dégoutait.Une terreur sans nom s'empara d'elle. Son esprit fléchit, basculant entre passé et présent. Son visage se mêlait à celui de Nathaniel, les traits se superposaient. Elle pourrait toujours essayer d'oublier, son passé revenait toujours en courant, jamais il ne restait enfoui bien longtemps. Ses mains tremblaient, une terreur sans nom s'emparait d'elle. Elle pris sa tête entre ses mains, respirant par saccades, sanglotant, tentant d'effacer son visage. Elle en avait assez. Assez de crouler sous le poids des souvenirs, assez d'être comme marquée au fer par cette balafre, lassée de ses galères amoureuses, des fins de mois difficiles. La chance devait tourner. La vie n'est quand même pas si cruelle ?
« Vie violence, ça va de pair ; les deux se balancent, paradis enfer ».
*
-Alors !?
Elle ne répondit toujours pas, elle tremblait, enserrant ses jambes de ses bras, se balançant doucement au rythme d'une inaudible chanson, ses cheveux masquant son visage. Il voyait juste ses larmes qui, goutte à goutte, tombaient sur le sable.
-C'est si dur que ça à dire ?!
Elle leva les yeux sur lui. Il y avait un tel mépris dans ce regard... Elle se mit debout, pour mieux lui hurler au visage :
-OUI !
Il eut un mouvement de recul, trébucha sur un galet et tomba en arrière.
*
Aussitôt, elle courut. Elle courut comme elle ne l'avait jamais fait, avec le vent, avec le cœur, avec les tripes. Elle entendait juste ses pieds contre les roches, ripant, glissant parfois, et sa respiration. Inspire, expire, inspire, expire. Elle voyait la promenade proprement dallée se rapprocher de plus en plus.
« Tu y es presque Léna, vas-y encore un effort ! »
Sa cheville se tordit et elle s'étala sur le granit. Elle voulut se relever, mais elle entendait déjà le claquement des pieds de Nathaniel sur les pierres se rapprocher.
Léna se traîna, tantôt marchant, tantôt rampant, tantôt courant jusqu'à son rocher. Quitte à mourir, autant mourir ici. Jusque dans son dernier souffle elle ferait corps avec la mer, son dernier regard serait pour ce paysage qu'elle aimait tant. Debout face au ciel et à la mer, le sang dégoulinant toujours de sa plaie, elle se sentit vivante pour la deuxième fois en deux mois. Des mains puissantes, pleines de tension se posèrent sur ses épaules.
-Léna...Cette fois, c'est la fin.
Il pressa furtivement ses lèvres contre sa coupure, puis plaqua la lame contre sa gorge.
Léna usa de ses dernières parcelles d'énergie pour le repousser. Il vacilla, lui adressa un regard indescriptible, et se laissa tomber, sous ses yeux, se destinant ainsi à une mort certaine.
*
Elle eut un réflexe qui sauva la vie de Nathaniel : elle se jeta au sol et attrapa son poignet. Elle crut que la secousse qui suivit allait lui arracher le bras, mais elle tint bon, calant ses pieds dans les anfractuosités de la roche et raffermissant sa prise. Deux choix s'imposaient à elle. Soit elle lâchait, soit elle tenait. Si elle lâchait, Nathaniel mourrait certainement, en s'écrasant sur les pierres quelques mètres plus bas, et elle vivrait avec un homicide involontaire sur la conscience. Soit elle elle tenait, mais elle finirait de toute façon par le lâcher, tombant avec lui car étant elle aussi dans une position précaire.
-Léna ?
-Oui ?
-Lâche-moi, dit-il, l'air déterminé.
Il était apparemment parvenu à la même conclusion qu'elle. Comment pouvait-il décider de la sauver à présent alors qu'il était près à la tuer quelques instants plus tôt ? Il était vraiment...déroutant, voilà déroutant, mystérieux et sérieusement atteint.
-Je ne te lâcherais pas.
Il se tut, réfléchi un instant puis répondit :
-Alors c'est ça, le moment où, dans les films, les héros s'avouent tout, se pardonnent et sont miraculeusement indemnes ?
-Si seulement la vie était un film...On pourrait effacer, couper, ré-enregistrer...fit-elle du tac au tac.
-Tu ne m'as toujours pas dit, pour...
Il n'acheva pas sa phrase. Elle respira un grand coup, les larmes lui montèrent de nouveau aux yeux mais elle les ravala. Ses deux bras la faisait souffrir, il fallait qu'elle se dépêche. En parler la libérerait-elle ?
-Il y a un peu plus d'un an, j'étais avec quelqu'un d'autre. Je l'aimais, et il m'aimait aussi je pense. Au premier abord, c'était un garçon brillant, attentionné, drôle et charmeur, doté d'une sensibilité exacerbée et d'une touchante fragilité. Célèbre architecte, les commandes coulaient à flots et l'argent ne manquait pas. Il avait tout pour lui.Au bout de quelques mois, on a emménagé ensemble, et c'est là que l'enfer a commencé. Il était d'une jalousie excessive, il voulait tout contrôler. Il me fliquait, lisait mes SMS, mon courrier, me demandait toujours où j'allais, avec qui, quand, à quelle heure. Nous nous sommes beaucoup disputés à ce propos, il disait parfois des choses horribles sur le coup de la colère, s'excusant une fois calmé. Jusqu'au jour où il m'a frappé pour la première fois. Il a recommencé régulièrement, dès qu'il estimait que je le méritais. Je n'osais rien dire, je n'osais pas partir, de peur qu'il me retrouve et se venge. Il m'étouffait, me grignotait peu à peu. Mes proches ne se doutaient de rien, ils l'adoraient, forcément, il usait de son charme pour les embobiner, les aveugler.
Elle se tut un instant, repris son souffle. Nathaniel était toujours muet.
-Il était de plus en plus violent. Un jour, alors que je luttais pour me protéger, il m'a poussée sur la table du salon. C'était une table en verre. Un éclat s'est planté dans la peau de mon dos et l'a entaillée sur toute sa longueur. Il n'a pas voulu m'amener aux urgences. Ayant quelques « connaissances en médecine », ce dont je doutais fortement, il m'a soignée. Mal sans doute, car ma cicatrice n'a jamais disparue. J'avais tout le temps peur. Je n'étais plus la même. Une autre fois, il a menacé de sauter par la fenêtre. Je lui ai tout craché à la figure, que je le détestais, que j'allais le quitter, pleins de choses horribles qu'il méritait amplement. Il a sauté. J'avais l'impression que c'était ma faute, et plus je voyais cette cicatrice plus je me haïssais. La mort fait peur aux gens, mes prétendus amis, déjà lassé de mon comportement étrange, m'ont délaissée. J'ai tout plaqué, et suis revenue ici, où j'habitais étant plus jeune.
-Et tes parents ? Demanda-t-il
-Ils n'ont jamais su la vérité. Je ne les ai pas vus depuis. De toute façon, ils ne m'auraient pas crue, ils l'encensaient !
-C'est terrible.
-Tu l'as dit... Je n'ai eu aucun contact avec la gent masculine après. J'étais à la limite de la paranoïa, voyant le mal partout, me dérobant au plus petit contact, vivant uniquement pour mon travail. Si on peut appeler ça vivre. Je vivotais, je survivais. Voilà, tu sais tout. A moi de te poser des questions maintenant.
Elle le vit déglutir lentement.
-Pourquoi ces mots en russe, sur tes proies ?
-Je suis bilingue, ma mère était originaire de Russie. Et puis, tous les « serial-killer » ont une signature...
-Charmant. Et la plume ?
-Je suis un passionné des oiseaux, en plus cela contribuait à semer le doute dans l'enquête de la police. Je n'ai jamais mis deux plume provenant du même oiseau ou de la même espèce, jamais laissé de trace ou d'ADN. Je portais des gants.
La douleur s'emparait d'elle, ses dernières forces la quittaient peu à peu.
Un battement d'ailes leur fit tourner la tête. Un goéland, l'air crâne, s'était posé sur un rocher en contrebas. L’œil rond et brillant, il les fixait. Il ouvrit bientôt son bec pour pousser son fameux cri qui déchira leurs oreilles. Léna vit alors le rocher. Mais bien sûr, le rocher !
-Tu vois le rocher ?
-Je ne vois que ça depuis tout à l'heure...On commence à se connaître lui et moi.
-Mais non, pas celui-là, l'autre, en dessous, où la mouette est perchée !
-Et ?...Tu veux que je saute ? Non merci.
-Si je te faisais prendre de l'élan, tu pourrais ?
Elle pouvait presque entendre son cerveau tourner à cent à l'heure.
-A ce moment là, il faudrait que j'y prenne appui pour atterrir sur son copain là-bas. C'est risqué, je n'aurais qu'une fraction de seconde pour...
-Tu vois une autre solution ? lança-t-elle.
Vaincu, il accepta. La jeune femme, malgré son bras endolori, imprima un mouvement de balancier. Nathaniel l'aidait du mieux qu'il le pouvait. Le goéland quitta son perchoir Ils comptèrent à l'unisson « Un, deux...trois ! » Elle le lâcha, et se jeta en arrière pour ne pas tomber.
Il fendit l'air à toute vitesse, agitant les bras dans un vain réflexe pour garder l'équilibre. Il appuya son pied sur le premier rocher, poussa de toutes ses forces...
Léna ferma les yeux, la tension était insupportable.
Il atterrit à quatre pattes sur bord du rocher le plus plat, à deux doigts de s'écraser plus bas. Il lui adressa un sourire d'adieu, souffla un baiser dans sa main, puis détala.
*
Après cette journée mémorable, Nathaniel disparu complètement de sa vie.
Il se dénonça, assumant sa culpabilité pour tous les meurtres qu'il avait commis. L'affaire fut très médiatisée, puis tomba dans l'oubli. Il était condamné à la prison à vie. Habituellement les tueurs en série ressortaient souvent au bout de trente ans, mais pas lui. Le procès s'était déroulé à huit clos, et les détails de l'affaire n'avaient pas été communiqués à la presse.
Il continuait de la hanter parfois, mais elle guérissait peu à peu, le temps accomplissant son œuvre. Parfois son cœur manquait un battement, lorsqu'elle pensait l'apercevoir dans la rue. Ce n'était jamais lui bien sûr. Elle ne lui en voulait plus, car c'était lui qui lui avait montré qu'elle pouvait encore être aimée et aimer en retour. Le hasard n'avait pas joué en sa faveur, dirigeant vers elle deux personnes aussi aimantes que destructrices, aussi brillantes que torturées, elle ne saurait dire pourquoi. Mais elle était forte, elle se relèverait, elle renaîtrait de ses cendres, elle repartirait à zéro, reconstruirait ses fondations plus solidement.
Elle vivrait.
Hors ligne
#507 Le 31-10-2012 à 17h09
coucou tout le monde!!Marjolaine16 a écrit :
J'aime beaucoup, mais l'avant-dernier vers sonne bizarre ce serait mieux avec "notre oeuvre s'est renouvelée"ropoulette a écrit :
Sinon, voilà un petit poème que j'ai inventé:
LA VIE
Il faut quelqu'un pour créer,
Quelqu'un pour aider,
Quelqu'un pour nourrir,
Quelqu'un pour grandir.
Il faut quelqu'un pour rencontrer,
Quelqu'un pour continuer,
Quelqu'un pour un sourire,
Quelqu'un pour un soupir,
Quelqu'un pour MOURIR.
Il faut des yeux pour pleurer,
Une voix pour chanter,
Un cimetière pour enterrer,
De la terre pour refermer.
Il faut la mort pour monter aux nuages,
La mort pour ne plus avoir d'âge,
Et là, on peut voir nos créations, même si certaines sont ratées,
Notre œuvre se renouveler,
Dans le monde entier.
Voilà, dites-moi vos avis, j'espère que ça vous a plu!
Sinon voilà la suite de "Lorsque l'oiseau vole" ! Enjoy !Spoiler (Cliquez pour afficher)
Elle n'aimait rien tant que cela. S'asseoir sur un rocher et contempler la mer. Laisser les rayons satinés du soleil caresser son visage. Regarder les bateaux osciller doucement. Écouter le chuchotement des vagues s'écrasant sur les galets, le cri rauque du goéland affamé, ou encore l'harmonieuse symphonie du rouge-gorge perché dans un arbre. Sentir l'odeur âcre des algues qui sèchent. Odeur que certaines personnes détestent odeur qui chatouillait ses narines depuis sa plus tendre enfance. Murmurer ses secrets aux crabes, crevettes ou gobies. Faire couler du sable entre ses doigts, ce sable si fin et doux. Courir dans le vent, pieds nus sur ce même sable. C'était ça la vraie vie pour elle, se sentir en communion avec la nature.
Mais aujourd'hui, quelque chose clochait. La mer était mauvaise, elle pouvait distinguer des moutons blancs d'écume au loin. De lourds nuages noirs masquaient le soleil. Les vagues n'émettaient plus un chuchotement mais un fracas infernal. La marée était haute, si bien que la sable était entièrement recouvert. Le chemin qu'elle empruntait d'habitude pour atteindre son rocher favori lui semblait à présent dangereusement escarpé. Les oiseaux s'étaient tus. Il n'y avait plus aucune trace d'animaux dans les mares d'eau salée.
Tout était différent. Léna avait un mauvais pressentiment. Elle se hissa malgré tout sur son bloc de granit préféré. De là-haut, elle avait vue sur toute la plage. Elle inspira, mais ce ne fut pas la fragrance familière des algues qui pénétra dans son nez.
C'était une odeur métallique.
Étrange, vraiment étrange, pensa-t-elle. Peut-être un volatile blessé, coincé sous un bloc où la mer l'aurait abandonné. Elle descendit du rocher, puis le contourna. L'odeur se fit plus forte. Léna trébucha, faillit tomber, et ne retrouva son équilibre qu'au dernier moment. Elle se pencha, et jeta un coup d’œil.
Oh mon Dieu, pensa-t-elle.
Ce n'était pas un oiseau blessé. C'était un cadavre. Une femme. Le sang coulait lentement d'une plaie sur sa tête, et de longues zébrures ornaient ses bras. La délicate peau blanche de son cou était également meurtrie par des entailles qui formaient un complexe motif.
Léna resta un moment sans bouger, hébétée, à contempler le macchabée, les yeux dans les yeux avec la mort. Puis, elle reprit ses esprits. Après tout, ce n'était que du sang. Elle examina la jeune femme. Environ vingt-cinq ans, peau laiteuse parsemée de grains de beauté, cheveux blonds bouclés qui retombaient délicatement sur ses épaules dénudées. Sans ses yeux fixes, on aurait pu croire qu'elle était vivante. Réprimant un frisson de dégoût, Léna effleura son bras. Il était encore tiède. Léna abaissa son regard vers les pieds de la jeune femme. Ils étaient tout écorchés. La personne qui l'avait tuée l'avait tirée par les bras, ses pieds avaient rappé contre le granit. Puis cette même personne l'avait abandonnée, ici il y a moins d'une demi-heure. Ce devait être quelqu'un de très précis et méthodique, car les motifs sur son cou étaient soigneusement tracés.
Meurtre. Assassinat. Homicide. Tant de mots pour qualifier ce crime qui venait d'être commis. Mots qui résonnaient dans la tête de Léna. Meurtre. Assassinat. HOMIDICIDE !
Elle prit soudain conscience de la réalité. C'était un acte prémédité ? Quelqu'un avait tué cette femme de sang-froid. Une larme solitaire perla sur la joue de Léna, et une question lui vint à l'esprit.
Qui ?
Occupée à dégainer son portable coincé dans sa poche pour appeler la police, elle ne remarqua pas la plume posée sur la main de la victime.
Plume que le vent breton emporta rapidement.
*
Son rire résonna désagréablement dans ses oreilles.
Soudain elle l'énervait. Pourquoi l'avait-il invitée ? Certes, elle était jolie, mais..
Il soupira de mécontentement. Assise face à lui, elle continuait de parler avec le débit d'une mitraillette, s'arrêtant juste pour reprendre son souffle et rire. Pourtant, il n'y avait rien de drôle dans ce qu'elle racontait.
A présent, il planait complètement, et n'écoutait plus les propos de sa compagne, qui blablatait toujours. Fausse blonde aux cheveux longs et abîmés par un lissage excessif, yeux cernés par un épais trait de crayon noir, top décolleté imprimé léopard et talons vertigineux, elle possédait un genre assez particulier. Malgré tout elle rayonnait, joyeuse et naïve. Ce qui le gênait, c'est qu'elle possédait une intelligence égale à celle d'un poisson rouge. Il lui avait demandé si elle aimait Van Gogh, et elle lui avait répondu qu'elle ne connaissait pas ce joueur de foot. Bref, cette fille était un véritable cliché, un stéréotype ambulant. Cette comparaison le fit sourire, et la femme lui demanda alors :
- A quoi penses-tu ?
Il détestait qu'on lui pose cette question. Non, décidément, il ne comprenait pas pourquoi il l'avait invitée. Il cherchait une excuse bidon pour s'en aller, quand il eut une idée.
Allons faire un tour dehors, j'étouffe ici !
La femme acquiesça, lui lança un sourire (aveuglant) de toutes ses dents blanches, puis le suivit à l'extérieur du bar. Perchée sur ses escarpins, elle ne marchait pas, elle ondulait.
Elle n'ondulerait plus très longtemps, se dit-il.
De sa main gauche, il caressait une plume logée dans sa polaire, tandis que son index droit frôlait le fil tranchant d'un couteau.
Brusquement, il s'arrêta au milieu de la rue. Son évaporée compagne, pendue à son bras comme une veste à un porte-manteau, glissa, et se raccrocha à lui.
Non, il ne la tuerait pas. Il avait autre chose à faire ce soir, de plus c'était trop risqué, de nombreuses personnes avaient été témoins de leur rencontre. Il eut du mal à refréner l'Envie, ce désir pur et fou qui courrait depuis peu dans ses veines. C'était si simple d'ôter la vie. De tout contrôler. D'être enfin le maître, d'être tout puissant. Invincible. Il aimait être le chef, mettre fin à la complexe et ordonnée mécanique du corps humain. Mais non, pas maintenant. Il fallait attendre, guetter, prévoir. Qu'il avait hâte de goûter au plaisir de traquer sa proie, de voir la peur s'allumer dans ses yeux à la vue de son arme, l'étonnement de la victime quand il posait une plume sur sa main, puis la souffrance quand il gravait des mots en russe sur sa peau. «Птица вылетает», «'oiseau a prit son envol ».
Il s'arracha violemment à l'étreinte de la blonde, qui s'étala de tout son long sur les pavés humides de Lannion. Puis, il disparut à grandes enjambés.
Le patron du bar sortit alors, et lança à la jeune femme :
Eh ! Vous ! Oui, vous ! Je vous vois venir...N'oubliez pas de payer l'addition !
*
Paresseusement étendue sur le canapé, Léna lisait. Le silence était régulièrement brisé par le ronronnement d'un gros matou roux, roulé en boule sur les jambes de la jeune femme. Elle avait passé la journée seule, au calme, pour se remettre de ses émotions de la veille. Un sourire flotta sur ses lèvres. Trouver un cadavre sur une plage, ce n'est pas un loisir courant. Elle attrapa l'objet le plus proche (un crayon gris à la mine pointue : elle aimait que ses crayons gris soient bien taillés, c'était une habitude étrange, qui, selon certaines personnes, montrait le perfectionnisme dont elle faisait preuve.) pour marquer sa page, puis elle alluma la télévision. Tandis que le générique du journal de 20h défilait sur l'écran, elle grattouilla le chat sur la tête.
« - Tu n'as pas de soucis toi au moins...Tu ne te rends pas compte de ta chance : tu es nourri, logé, et câliné. C'est beau d'être un chat !
Elle reporta son attention sur la télé. « Femme retrouvée... » Elle changea de chaîne. « Drame à Tresmeur ». Elle zappa de nouveau. « Étranges motifs... »
Évidemment, il fallait s'y attendre, la presse avait été avertie. Le meurtre d'Anna Juvo, (car la victime avait été identifiée) faisait la une de tous les journaux, et était présent sur toutes les chaînes télévisées. Léna éteignit la télé. Au même moment, la sonnerie du téléphone retentit. Son cœur s'accéléra brutalement. Nathaniel ! Elle bondit du canapé, délogeant le chat qui émit un miaulement de protestation.
-Allô ? Oui, et toi ?... Rien de spécial, j'ai lu. Pas ce soir ?... Pourquoi ?...Trop de travail, oui je comprends. A demain alors ? OK, je...
Léna hésita un instant, puis se ravisa. Pas maintenant, c'est trop tôt. Ces deux mots étaient trop important pour être utilisé à présent.
-Non, rien. Bonne nuit...
Elle pressa le bouton rouge, puis contempla tristement le téléphone. Elle aurait aimé le voir. Tant pis, elle allait regarder un film, en mangeant du chocolat. Drôle de substitut à son petit ami. Est-ce qu'elle pouvait l'appeler comme ça ? Est-ce qu'il méritait qu'elle l'appelle ainsi ? Peut être devrait elle dire « mon copain » ou alors, « mon ami » ?
Et si ce n'était pas du travail qui le retenait chez lui, mais une fille ? Une fille qui n'a pas peur de lui parler du passé, une fille qui évoque des souvenirs joyeux, une fille qui dit oui, pas une fille qui s'échappe quand il veut en savoir plus, quand il veut aller plus loin, roseau qui plie sous le vent.
Le chat se planta devant elle et lui adressa un regard accusateur. S'il avait pu parler, il lui aurait sûrement dit :
-Arrête de t'en faire pour rien. Vis au jour le jour ! Vas de l'avant, et surtout, ose !
Elle allait suivre son conseil.
Léna revêtit son manteau, attrapa les clés de sa voiture, et sortit précipitamment. Le vent glacé s'engouffra dans le salon, et fit fuir son félin conseiller.
*
La dernière fois, tout s'était déroulé comme dans un rêve. Un grand calme avait envahit sa tête, faisant enfin taire les souvenirs. Cette fois-ci, rien ne marchait comme prévu. Tout lui échappait. Il n'avait pas réussi à l'assommer du premier coup, si bien qu'elle lui avait lancé un coup de pied mal placé. Il était resté quelques secondes à se tordre de douleur à terre, avant de se relever et de la courser. Elle ne courrait pas bien vite, et de toute façon c'était une impasse. Il l'avait rapidement rattrapée, puis embarquée dans sa voiture pour l'amener jusqu'à la plage. Il avait, après mûre réflexion, décidé de la laisser là.
Un gémissement interrompit le cours de ses pensées. Il regarda la femme qui s'était réveillée.
-Que me voulez-vous ? S'il vous plaît, laissez-moi, laissez-moi ! Pitié... Laissez-moi partir où j'appelle les flics, dit-elle.
-Vous ne pouvez pas, vous êtes attachée, lui répondit-il calmement.
Elle essaya de bouger ses poignets. Malheureusement pour elle, ils étaient liés par une corde qui entaillait sa peau. Paniquée, elle se mit à crier.
Le cri résonna dans ses oreilles.
-Fermez-la !
La femme se tut, et commença à sangloter. Elle était dans un bel état, les cheveux en bataille, une bosse sur le crâne, un talon cassé et les poignets en sang à cause de la corde.
Il soupira.
-Pourquoi je suis attachée ? Vous comptez me faire quoi ? Abuser de moi ou me tuer ?
-Vous êtes attachée parce j'ai besoin que vous le soyez. Je ne compte aucunement abuser de vous. C'est de votre faute.
- Qu'est ce qui est de ma faute ? Vous croyez que je suis contente d'être là ? Alors vous allez me tuer ?
Il ne répondit pas, et s'agenouilla à ses côtés. Il sortit de sa poche un objet qu'elle ne réussit pas à identifier, jusqu'à ce qu'il l'élève au-dessus de sa tête. La lune l'éclaira furtivement, faisant reluire l'acier. Un couteau.
Il lui prit fermement le bras, et entailla la chair tendre.
-Répondez-moi ! Qu'est ce que vous faites ? Salaud, lâchez-moi, vous me faites mal !
Elle grimaça sous la douleur, puis se mit à l'insulter, abandonnant toute politesse, soudain pleinement consciente qu'elle ne verrait plus le jour. Il l'ignora. A l'instant, ce n'était plus une femme, mais un animal apeuré, sauvage, dont l'instinct se réveillait, l'avertissant du danger. Elle essaya de le frapper, mais il évita sans peine le coup, rendu lent par la peur et les poings liés.
-Lâchez-moi, lâchez mo...
Sa phrase fut étouffée par la main que l'homme posa sur sa bouche. Il continuait, inexorablement, de zébrer ses bras d'entailles sanglantes.
*
La jeune femme se gara en soulevant un nuage de poussière. Nathaniel n'était pas chez lui. Il lui avait menti.
Léna actionna la poignée. La porte s'ouvrit en produisant un léger grincement. Ce n'était même pas fermé. Elle pénétra dans la maison.
-Il y a quelqu'un ?
Personne ne répondit.
Elle sourit en pensant que, dans les films d'horreur, les héros posaient souvent cette question. Comme si le tueur qui le guettait allait répondre "Je suis dans la cuisine, tu veux un sandwich ?"
Elle scruta la pièce. De grandes étagères débordaient de livres, remplis à raz-bord. Elle tâtonna à la recherche de l'interrupteur, sans succès. Les volets clos laissaient juste un filet de lumière éclairer la pièce. La jeune femme attrapa un livre et en lut la quatrième de couverture. Le résumé était pour elle l'équivalent du mot « anticonstitutionnellement » pour un étranger qui venait juste de commencer à apprendre le français. Elle reposa le livre à sa place, ouvrit une porte et entra. Cuisine, parfaitement rangée. Elle aurait pu manger par terre tellement c'était propre. Elle fit demi-tour, et se dirigea vers une autre pièce. Son entrée fut salué par des battements d'ailes et des piaillements. Sur deux murs s'étendaient des petites cages, remplies d'oiseaux. Des perruches ondulées, des canaris, des diamants de gould, il y en avait de toutes sortes.
Elle longea un couloir, entra dans une pièce. C'était sa chambre. Le lit était défait, une chemise, un pantalon et une veste traînaient sur une chaise. L'armoire était grand ouverte, des vêtements tombaient de leurs cintres, comme si il avait cherché quelque chose puis était parti précipitamment.
Léna s'avança vers le bureau. L'ordinateur était allumé ! Non, elle ne pouvait pas faire ça. Elle allait sagement aller l'attendre dans le salon.
Mais la tentation était trop forte. Après tout, il lui avait menti. Léna s'assit sur la chaise, et fouilla dans l'historique. Qui sait ce qu'elle y trouverait ? Ses doigts volaient sur les touches, quand elle entendit des cris d'oiseaux, puis le bruit de freins sur les gravillons. Elle eut juste le temps de consulter l'historique. Elle y trouva uniquement des sites connus, à part un forum étrange, répondant au nom de « qui nécessitait un mot de passe. Qu'est-ce que ça pouvait bien être ?
*
Nathaniel se gara devant la maison avec l'adresse de l'habitué qui effectue cette manœuvre plusieurs fois pas jour. Il n'aperçut pas immédiatement la voiture. Il était serein, presque joyeux. Il se mis à fredonner une chanson dont les paroles le marquait.
How long must we sing this song? How long? How long?
Il s'interrompit en remarquant la minuscule Twingo grise garée devant la vieille maison.
Léna ?
Son cerveau s'activa, il lui fallait trouver une excuse. Il était passé maître dans l'art de mentir, elle ne se douterait de rien. Il rebroussa chemin, fouilla sous le siège passager de son véhicule (sa poubelle, il jetait tout là-dessous), et attrapa ce qui lui tombait sous la main. Ses doigts effleurèrent quelque chose de gluant, (qu'est-ce que ça pouvait bien être ?) puis un plastique collant, avant de s'emparer d'un objet doux et flétri. Il sortir sa main de l'ombre pour découvrir...Une endive. Une endive ? Une endive en mai ? Depuis combien de temps traînait-elle là ? Il était temps de ranger. Vraiment.
Il marcha vers la vieille bâtisse. Il poussa la porte au bois élimé, puis entra.
Léna attendait, assise entre deux ressorts sur un canapé miteux, les bras croisés.
-Qu'est ce que tu fais là ?
-Quand on est poli, on dit d'abord bonjour.
Aïe, elle était vraiment en boule.
-Bonjour.
Il posa furtivement ses lèvres sur les siennes, puis se recula.
-…
-Je suis allé acheter une endive au supermarché...J'avais envie d'une salade.
Il tressaillit devant le regard foudroyant que la jeune femme lui adressa.
-Tu te fous de moi ?
Merde. Merde ! Se rattraper, trouver une idée, et vite.
-J'ai pris celle qui venait... J'étais pressé de rentrer pour travailler.
-La saison des endives c'est en mars. Pas en mai.
-Il a fait tellement froid que ce n'est pas un souci.
Le regard de Léna se radoucit. Ouf, sauvé...Pour cette fois.
-Comment es-tu rentrée ?
-J'ai pété une fenêtre, fit-elle, un sourire moqueur plaqué sur les lèvres. Mais non, je suis passée par la porte, comme tout le monde ! Tu devais en avoir sérieusement envie de ta salade, pour oublier de fermer en partant !
-Ah...
Naturellement, elle se dirigea vers la cuisine, fouilla dans plusieurs placards, dénicha un saladier, deux tomates, des noix. Devinant sa pensée, il sortit une planche à découper, des couteaux, de quoi mettre la table.
-J'ai fait la connaissance de ta ménagerie...C'est joli toutes ces couleurs.
-J'aime les oiseaux. Alors quoi de plus naturel que d'en élever ?
-Faut que tu me les présente en bonne et du forme. Ils ont des prénoms ?
-Plutôt des numéros, à part mes favoris bien sûr.
-Parce qu'il y a des chouchous en plus ?
A présent ils mangeaient la salade mensongère, assis sur les chaises froides, devant la table en bois abîmé, rayée par le passage de multiples objet, porteuse de longues balafres gravées dans le chêne (cicatrices de guerre ?).
Nathaniel scruta le visage de Léna. Son cœur se serra. C'est la première fois qu'il ressentait cela pour une femme. Léna était un paradoxe vivant. Son paradoxe.
Des cheveux couleur aile de corbeaux, légèrement ondulés, épais et sombres, encadrant un petit visage ovale taillé à la hache, aux angles cassants qui lui donnaient un air sauvage. De grands yeux à la couleur indescriptible, gris, verts, avec des nuances fauves près de la pupille et des paillettes d'or, qui mangeaient son petit visage. Ses yeux clignaient souvent, observaient tout et vous transperçaient, paraissaient lire en vous, semblaient distinguer chaque parcelle de votre âme. Des yeux dans lesquels on évite de plonger son regard, que l'on affronte pas. Un nez de taille moyenne, et une bouche charnue qui paraissait minuscule, tant ces yeux étaient grands. Des mains qui papillonnaient à chaque parole, aux longs doigts, un poignet minuscule aux os fins. Un grain de beauté sur la joue, un au-dessus du sourcil droit, et un autre qui le narguait dans la nuque. Un rire de petite fille piégé dans ce corps de femme. Corps mince et souple parfois, dur et cassant là où les coudes saillent, où les clavicules accentuent la minceur, où les os des hanches sont trop visibles. Presque trop mince, si bien qu'il aurait peur de la casser. Avec ça un caractère changeant, assorti au physique. Elle pouvait faire preuve d'une colère incontrôlable et l'instant d'après, fondre en larme en se rendant compte des dégâts causés par cette rage sourde. Elle pouvait être tendre et douce, tenter puis repousser, se dévoiler puis ne plus parler du passé pendant plusieurs jours. Elle écrivait, puis elle effaçait. Arrête Léna, arrête d'effacer...
-Pourquoi tu me regardes comme ça ?
-Tu es belle.
Elle s'attendait à tout sauf à cette réponse. Un étonnement total se lisait sur son visage. Elle avait un charme particulier, avec cet air à la fois fragile et dur, mais il était attiré par elle comme un aimant l'est par le métal. Il avait envie d'être toujours à ses côtés, de la voir, de la toucher. Il...l'aimait ?
Sentiment nouveau pour lui. Il n'avait jamais connu ça.
Nathaniel se pencha vers la jeune femme, toute réserve disparue, et posa sa bouche sur la sienne.
-Léna...Je t'aime.
*
De multiples pensées déferlèrent dans l'esprit de Léna. C'était un innommable bordel dans son crâne. Il lui semblait que ses neurones dansaient la salsa, que son cœur jouait à chat avec ses intestins. Elle en fut toutes retournée pendant quelques instants. C'était...Woaw.
Un peu plus et elle aurait pu se croire dans un film de Walt Disney dégoulinant de mièvrerie et de tendresse, où tout est bien qui finit bien, où le grand méchant est puni et l'adorable princesse heureuse. Beurk. On oublie de dire aux petites filles que le cheval blanc se casse régulièrement la jambe et que le soigner coûte cher, que le prince est un coureur de jupon quitte Blanche-Neige pour la méchante belle-mère, et surtout que le prince n'est pas toujours celui que l'on croit. Rien n'est tout beau, tout blanc tout gentil, rien n'est tout noir, tout méchant, tout horrible. Le monde est juste fait de milliers de nuances de gris.
Et personne n'est parfait. On ne le sait pas, mais la princesse est peut être amoureuse de l'un des sept nains. Peut-être aussi qu'elle a des boutons, un nez trop grand, des yeux trop petits et des sourcils trop épais. La perfection n'existe pas, quoi que Blanche-Neige dise.
Nathaniel était ponctuel, galant juste ce qu'il faut, gentil, intelligent sans aucun doute, ni pauvre ni riche, cultivé, ni macho ni paresseux. Il avait en plus ce charisme qui fait qu'un sourire vous bouleverse, et le mystère qui régnait sur son passé et sur sa vie en général l'attirait.
Ce n'était pas possible, il devait bien avoir un défaut !
Il était trop parfait pour être réel... Juste pour être sûre, elle le pinça. On ne sait jamais.
-Aïe ! Qu'est ce que tu fais ?
-Je voulais juste vérifier que tu existais vraiment...C'est trop beau pour être vrai !
-J'embrasse si bien que ça ?
Ils rirent à l'unisson, mais le rire de la jeune femme se brisa à l'instant où Nathaniel lui ôta son pull et caressa son dos. Le prince avait-il des intentions...moins innocentes ? Il était temps de l'arrêter là.
A moins que...
Non, non, tais-toi Léna. Ne dis rien, c'est trop agréable. Chut, chut, chut. Alors la petite voix de la raison se tut, et les mains continuèrent leur œuvre. Elle atteignirent bientôt une zone pâle et bosselée, quittant le satin de la peau dorée. Une cicatrice ?
-Qu'est ce que...fit-il.
-Rien. Ce n'est rien.
Il ne posa pas de questions, de peur de briser l'instant présent.
*
Le soleil du matin entra par la fenêtre et réveilla Léna. Elle ouvrit difficilement les yeux, et sourit en apercevant Nathaniel endormi à ses côtés. Le prince charmant était encore dans les bras de Morphée...
Elle repoussa la couette, pose ses pieds à terre. Ses poils se hérissèrent sous la caresse du froid, un frisson glacial courut le long de sa peau nue. Elle se leva, et enfila des chaussons beaucoup trop grands pour elle. Taille 43 alors qu'elle chaussait du 38. Comique, elle allait marcher comme un canard. Elle revêtit ses vêtements de la veille, et farfouilla à la recherche de ses clés. Envie de pain frais tartiné de Nutella. Bonheur des papilles en perspective. Elle sortit sans faire de bruit, referma la porte derrière elle, sourire jusqu'au oreilles. Elle était heureuse, enfin.
Elle attrapa une polaire marron très laide, pour se protéger du froid. Pas très esthétique, mais au moins elle aura chaud. Le soleil a beau briller de toutes ses forces, il y a toujours un vilain petit vent qui souffle le matin.
Elle entra dans la boulangerie, et renifla la bonne odeur de pain frais. Miam. La jeune femme ressortit, deux baguettes croustillantes et farineuses sous le bras. Elle fourra la monnaie dans sa poche, se dirigea vers la maison de la presse. Elle aimait bien lire les nouvelles du jour. Assise dans la voiture, elle déplia le journal qu'elle venait d'acheter, avant de laisser échapper un juron en découvrant la une.
« L'oiseau tueur a encore frappé »
Ainsi ce n'était pas un crime passionnel isolé. Un malade mental courrait en liberté sur les plages trébeurdinaises et provoquait la police en abandonnant sa pauvre victime non pas sur la plage de Tresmeur cette fois-ci, mais à Goas Trez. Ça donne envie d'aller pêcher des palourdes tout ça, pense-t-elle.
En effet, à Trébeurden, il y a quatre plages. Tresmeur, où les habitués et les touristes se retrouvent, Goas Trez pour la pêche aux coques ou la pêche aux palourdes, Pors Termen quand le vent du nord souffle, ainsi que Pors Mabo, pour les gens solitaires.
Un meurtre pour chaque plage ? C'est le même tueur, c'est encore une femme avec un mot gravé dans la chair. « Птица была там », « l'oiseau est passé par là ». Énigmatique. Une plume avait également été retrouvée, coincée dans les cheveux de cette pauvre femme. Les journalistes prétendaient que c'était un crime parfait. Pas d'ADN, pas de témoins. Aucuns indices. Ils savaient juste que c'était un homme.
Cela la dégouttait qu'un tel monstre soit en liberté. Peut-être l'avait-elle même déjà rencontré, sans savoir qui il était. Elle souhaitait vraiment qu'il se retrouve sous les barreaux.
Comment fait-il pour faire taire sa conscience, et ignorer les remords, se dit elle ?
Si remords il y avait.
*
Léna enleva la polaire et la jeta négligemment sur le canapé. Elle remplit la gamelle du chat, avant de foncer dans sa chambre. Elle sortit une valise d'un placard, attrapa quelques vêtements dans son armoire, saisit des livres, et balança le tout à l'intérieur. Trop pressée pour bien plier. Trop hâte de revoir Nathaniel...
Nathaniel... Brun, des yeux en amande couleur ambre, qui la contemplait tendrement. Nathaniel, aux bras réconfortants qui lui donnaient l'impression d'être en sécurité.
Ses pensées furent interrompues par le gargouillement de son estomac. Deuxième constatation anti-Disney : on ne peut pas vivre d'amour et d'eau fraîche.
Elle ferma la valise, et se précipita dans le salon. Elle chercha ses clés du regard. D'habitude elle les posaient...N'importe où en fait.
Elle chercha un peu partout, avant de s'emparer de la polaire de Nathaniel et d'en fouiller les grandes poches. Elle la portait en sortant de la voiture, elle avait peut-être fourré les clés dedans...
Impatiente, elle secoua la polaire. Des pièces tombèrent en tintant (la monnaie du pain!), bientôt suivies par un emballage de chewing-gum et une plume. Une plume ? Elle fouilla l'autre poche, secoua le vêtement dans l'autre sens. Ses clés tombèrent, ainsi qu'un couteau.
Un couteau ? Une plume ?
Non, non.
L'oiseau tueur...
Pitié, non. Non, pas lui. C'était une erreur. Un cauchemar peut-être.
Tu aimes un tueur...
Léna ouvrit les yeux, mais le couteau et la plume gisaient toujours à terre. Elle les attrapa pour les examiner de plus près. La plume était d'un jaune délicat. Une plume de canari. Le couteau, lui, était parfaitement propre.
Après tout, il pouvait bien garder un couteau dans sa poche pour se défendre. Et la plume était peut-être un souvenir. Une émouvante relique.
Un point d'un rouge presque noir attira son œil sur l'objet. Dans le petit creux entre la lame et le manche, une goutte de sang coagulé.
Plus de doutes cette fois, plus d'excuses.
Léna s'effondra au sol, et se mit à sangloter. N'aurait-elle donc jamais droit au bonheur ? Pourquoi fallait-il toujours qu'elle tombe sur la mauvaise personne ? Pourquoi ? Pourquoi ?!
Des larmes roulèrent sur ses joues, perles de tristesses, avant de s'écraser au sol, mouillant la petite plume. La jeune femme l'attrapa et la lança vers le mur. Elle retomba tristement à terre sans même le toucher. Elle lança alors le couteau rageusement. Il griffa la tapisserie et tomba avec un tintement métallique. Elle suffoquait, étouffait dans ses larmes, anéantie. Alors il ne l'aimait pas vraiment ? Elle était juste une future victime, trophée de chasse parmi tant d'autres. Vu son minois et son charme dont il usait et abusait, toutes les femmes devait être à ses pieds.
Ses larmes redoublèrent, et elle se roula en position fœtale sur le lino froid. Dégoût, amour, tristesse et regrets se mélangeaient. Elle se traîna ensuite jusqu'aux toilettes, où elle rendit tout son petit-déjeuner. Elle n'était plus que le pâle reflet de la Léna heureuse de ce matin. Ses cheveux emmêlés semblaient à présent gris dans la lumière blafarde des néons, et elle était livide. Elle s'assit sur la cuvette dont elle avait fermé l'abattant, puis pris sa tête entre ses mains. Elle recommença à pleurer. Qu'allait elle faire à présent ?
Un miaulement brisa le silence, bientôt suivi par un doux ronronnement. Le chat.
Elle le serra dans ses bras, un peu trop fort à son goût, car il se dégagea et s'enfuit en courant.
Même le chat ne l'aimait plus.
C'était la fin des haricots.
*
Pas de chance pour lui, elle habitait au deuxième étage d'un petit immeuble. Coup de chance, elle était chez elle.
Nathaniel hésitait. L'ascension serait difficile, peut-être douloureuse, mais pas impossible. Il cala ses pieds dans les interstices du mur et se hissa, étreignant la gouttière. Celle-ci gémit sous son poids et ploya dangereusement. Il ne se laissa pas décourager, monta plus haut, toujours plus haut. Enfin, il s'accrocha au balcon, et roula sous la barrière en verre.
Un mois qu'elle n'avait pas donné de signes de vie. Un mois qu'il avait passé seul, entre ses oiseaux, ses livres, ses doutes et ses démons. Et, accessoirement, ses collègues de travail.
Il distinguait vaguement sa silhouette derrière le rideau blanc, mais cela lui suffisait. Il voulait juste s'assurer qu'elle était vivante. Un accident de voiture, c'est si vite arrivé !
Rasséréné, il entreprit de descendre par le même chemin. La descente est toujours plus dure que la montée, se rappela-t-il. La gouttière grinça une nouvelle fois, et se décrocha. Des branches craquèrent, il se prit des fleurs dans la figure, puis, enfin, ses pieds touchèrent le sol. Juste à temps. Dans un réflexe surhumain, il attrapa la gouttière et amortit sa chute.
Il se dégagea du massif d'hortensia dans lequel il avait atterrit, frissonnant sous la morsure du vent. Il ne trouvait plus sa polaire.
Des branches craquèrent et il retint son souffle. Le silence régnait. Il se mit à courir, jetant de temps à autre un coup d’œil derrière lui. Tout à sa peur d'être découvert, il ne vit pas la masse sombre qui se dressait devant lui.
Il heurta la poubelle de plein fouet. Elle s'écroula sous l'impact, expulsant le sac poubelle. Un objet pointu le transperça, les ordures se dévidèrent sur le bitume.
Quelle ne fut pas la surprise de Nathaniel de découvrir son couteau émergeant de la gueule béante du monstre de plastique.
Les pièces du puzzle s'assemblèrent...
Les cheveux soulevés par le vent, elle marchait. La promenade était déserte, on aurait dit une ville, ou plutôt, une plage fantôme. Les couleurs lui semblaient tristes et délavées. Le vent emportait du sable qui fouettait ses jambes nues. Cet environnement d'habitude si familier était aujourd'hui presque agressif. Une chaleur moite et collante régnait, prémices d'un orage printanier.
Le mauvais pressentiment qui l'avait atteinte deux mois plus tôt enserra à nouveau sa poitrine d'une main de fer. A présent elle étouffait sous le ciel bas, il lui semblait entendre des pas derrière elle, elle sentait la piqûre brûlante d'un regard sur sa nuque. Son cœur se serra un peu plus.
« Tu deviens complètement parano. Complètement folle. Continue de marcher, tu rêves, tu rêves, tu rêves, tu rêves, ce n'est rien, ce n'est rien. »
Mais la sensation persistait, augmentait, et, n'y tenant plus, elle se retourna.
Elle ne rêvait pas. Il était bien là, derrière elle, un sourire avenant plaqué sur ses lèvres. Ce sourire... Il n'atteignait pas ses yeux, qui restaient froids, durs, emplis d'une lueur qu'elle n'avait encore jamais vue.
« - Léna...
Que faire ? L'ignorer ? Fuir ? Il courrait plus vite qu'elle, il aurait vite fait de la rattraper. Lui parler ?
-Tu sais que tu m'as manqué...Ce n'est pas très poli de laisser des gens qu'on aime sans nouvelles...Sans rien...pendant un mois. Tu te rends compte ? C'est long un mois, ça laisse le temps de réfléchir...de planifier....
Elle paniqua.
-Laisse-moi ! Disparais ! Disparais de ma vie ! Je ne veux plus te voir. Après ce que tu as fait...Je ne pourrais même plus te regarder dans les yeux, lui cracha-t-elle.
Tu en es sûre ?...
Avec un mouvement félin, qu'elle ne put arrêter, il attrapa son menton, forçant ses yeux à se plonger dans les siens, enserrant cruellement son poignet dans son autre main.
Ce regard la glaça littéralement. L'éclat chaud de ses prunelles noisettes n'existait plus. Rien que ce regard glacial, qui l'étouffait, la broyait.
-Léna...répéta-t-il d'une voix mielleuse, ma chère, ma tendre petite Léna...Si faible, si fragile...
Elle sentit quelque chose de froid contre son cou, un éclat bleuté l'aveugla.
-Tu cries, j'appuie. J'appuie, tu meurs, susurra-t-il d'une voix suave, juste à côté de son oreille.
Un couteau.
Elle ravala le hurlement qui montait dans sa gorge. Il la poussa légèrement, la main fermement ancrée sur l'arme.
Avance.
Et elle avança, tandis que son esprit tournait à cent à l'heure. Elle le pensait tout à fait capable de la tuer. Même si elle criait, personne ne l'entendrait. Ses pas s'enchaînaient, tandis qu'elle priait pour que quelqu'un, de préférence fort, arrive et remarque leurs comportements anormaux. Elle ne pouvait pas se soustraire à son étreinte, il était plus grand, et sans aucun doute plus fort qu'elle. Aucun échappatoire possible.
Ils descendirent un escalier, marchèrent un moment sur le sable humide, puis il l'entraîna sur les rochers. Elle peinait à avancer, collée à lui. Il arrivèrent bientôt dans une petite crique, à l'abri des éventuels regards.
-Qu'est-ce que tu vas faire de moi maintenant ? Tu vas me tuer ? Comme les autres ? Dit-elle. Le crime parfait n'existe pas. Alors arrête. On peut se tromper une fois, deux fois, trois fois. Mais il faut savoir reconnaître ses erreurs. C'est ça l'intelligence, la vraie. Stoppe tant que tu peux encore !
Elle avait tenté de faire passer à travers sa voix toute la force et la détermination qui l'habitaient encore. Peine perdue.
-Je n'ai rien à perdre. Absolument rien. Alors rien ni personne ne m'arrêtera
-Tu arrives à dormir la nuit ? Tu arrives à les faire taire les remords ? A étouffer ta conscience ? Ou est-ce que tu es juste un monstre sans cœur ? Et puis pourquoi ? Pourquoi tuer des femmes innocentes ?
-Je suis un monstre. Le meurtre, c'est une drogue, une drogue pure et dure, dont je ne serais plus jamais sevré.
-Je pensais que tu....
Les mots restèrent bloqués.
-Tu pensais que je t'aimais ?
Il approcha son visage du sien, si près qu'elle eut un instant la fugace espérance qu'il allait l'embrasser, que tout cela n'était qu'un cauchemar, un mauvais rêve. Qu'elle se réveillerait dans une vie parfaite. Il la plaqua contre le sable, le couteau toujours contre sa peau.
-Et bien tu t'es trompée.
Choquée, elle oublia un instant sa position de victime pour lui lancer une gifle. Elle profita de la seconde d'inattention qui suivit pour le repousser et s'éloigner tant bien que mal, des larmes roulant sur ses joues. Nathaniel jura entre ses dents, avant de la rejoindre. Il l'attrapa et bloqua ses poignets à l'aide de son bras libre, la joue marbrée de rouge.
-Tu pensais vraiment que je t'aimais ? Je suis un monstre Léna. Un monstre. Je suis incapable d'éprouver des sentiments pour quiconque ! Je vais te tuer !
-Je m'en fous. Parce que moi, je t'aime, dit-elle
-Ah oui, vraiment, et pourtant je te dégoûte ? C'est contradictoire comme sentiments...Et là, tu m'aimes encore ? Tu ne me détestes toujours pas ? Fit-il en traçant une sanglante balafre sur son bras, presque délicatement, de la pointe de son arme, comme un peintre appliqué sur sa toile.
Elle gémit, et tenta de se dégager. Elle lutta, le sang dégoulinant sur son chemisier, poisseux et chaud.
-Tu me déteste maintenant ? Ça y est ?
-Non, non, non, nooo...
Sa voix s'éteignit tandis qu'il l'écorchait une nouvelle fois.
*
Elle le regardait avec une expression si tendre. Elle avait l'air si fragile à présent qu'il aurait aimé l'épargner. Elle l'aimait. Elle pouvait le sauver. Elle voyait en lui plus que le monstre, elle discernait la lumière sous la noirceur. Si faible...
Elle mord sa lèvre inférieure, dans une mimique adorable qui la fait ressembler à une enfant, tentant d'empêcher ses larmes de couler. Si faible...
Non. Elle le déteste. Elle le hait. Elle est dégoûtée par lui. Comme tout le monde. Personne ne le comprend. Personne ne comprend cette pernicieuse douleur qui s'insinue au creux de son être. Personne.
Le sang, son sang, si rouge, si rouge, le faire couler encore, encore, c'est tellement simple d'ôter la vie, le sanglesanglesangleslarmeslesang.
Contrôle. Agit. Calmement. Ne laisse pas ton passager noir gagner.
Mais...
Ne lui a-t-elle pas caché des secrets elle aussi ? Cette cicatrice... Il n'aime pas les secrets.
*
-D'où elle vient, cette cicatrice ?
La cicatrice. Cette immonde marque qui partait de son omoplate droit et courrait jusqu'au bas de son dos, qu'elle cachait tant bien que mal, qui la dégoutait.Une terreur sans nom s'empara d'elle. Son esprit fléchit, basculant entre passé et présent. Son visage se mêlait à celui de Nathaniel, les traits se superposaient. Elle pourrait toujours essayer d'oublier, son passé revenait toujours en courant, jamais il ne restait enfoui bien longtemps. Ses mains tremblaient, une terreur sans nom s'emparait d'elle. Elle pris sa tête entre ses mains, respirant par saccades, sanglotant, tentant d'effacer son visage. Elle en avait assez. Assez de crouler sous le poids des souvenirs, assez d'être comme marquée au fer par cette balafre, lassée de ses galères amoureuses, des fins de mois difficiles. La chance devait tourner. La vie n'est quand même pas si cruelle ?
« Vie violence, ça va de pair ; les deux se balancent, paradis enfer ».
*
-Alors !?
Elle ne répondit toujours pas, elle tremblait, enserrant ses jambes de ses bras, se balançant doucement au rythme d'une inaudible chanson, ses cheveux masquant son visage. Il voyait juste ses larmes qui, goutte à goutte, tombaient sur le sable.
-C'est si dur que ça à dire ?!
Elle leva les yeux sur lui. Il y avait un tel mépris dans ce regard... Elle se mit debout, pour mieux lui hurler au visage :
-OUI !
Il eut un mouvement de recul, trébucha sur un galet et tomba en arrière.
*
Aussitôt, elle courut. Elle courut comme elle ne l'avait jamais fait, avec le vent, avec le cœur, avec les tripes. Elle entendait juste ses pieds contre les roches, ripant, glissant parfois, et sa respiration. Inspire, expire, inspire, expire. Elle voyait la promenade proprement dallée se rapprocher de plus en plus.
« Tu y es presque Léna, vas-y encore un effort ! »
Sa cheville se tordit et elle s'étala sur le granit. Elle voulut se relever, mais elle entendait déjà le claquement des pieds de Nathaniel sur les pierres se rapprocher.
Léna se traîna, tantôt marchant, tantôt rampant, tantôt courant jusqu'à son rocher. Quitte à mourir, autant mourir ici. Jusque dans son dernier souffle elle ferait corps avec la mer, son dernier regard serait pour ce paysage qu'elle aimait tant. Debout face au ciel et à la mer, le sang dégoulinant toujours de sa plaie, elle se sentit vivante pour la deuxième fois en deux mois. Des mains puissantes, pleines de tension se posèrent sur ses épaules.
-Léna...Cette fois, c'est la fin.
Il pressa furtivement ses lèvres contre sa coupure, puis plaqua la lame contre sa gorge.
Léna usa de ses dernières parcelles d'énergie pour le repousser. Il vacilla, lui adressa un regard indescriptible, et se laissa tomber, sous ses yeux, se destinant ainsi à une mort certaine.
*
Elle eut un réflexe qui sauva la vie de Nathaniel : elle se jeta au sol et attrapa son poignet. Elle crut que la secousse qui suivit allait lui arracher le bras, mais elle tint bon, calant ses pieds dans les anfractuosités de la roche et raffermissant sa prise. Deux choix s'imposaient à elle. Soit elle lâchait, soit elle tenait. Si elle lâchait, Nathaniel mourrait certainement, en s'écrasant sur les pierres quelques mètres plus bas, et elle vivrait avec un homicide involontaire sur la conscience. Soit elle elle tenait, mais elle finirait de toute façon par le lâcher, tombant avec lui car étant elle aussi dans une position précaire.
-Léna ?
-Oui ?
-Lâche-moi, dit-il, l'air déterminé.
Il était apparemment parvenu à la même conclusion qu'elle. Comment pouvait-il décider de la sauver à présent alors qu'il était près à la tuer quelques instants plus tôt ? Il était vraiment...déroutant, voilà déroutant, mystérieux et sérieusement atteint.
-Je ne te lâcherais pas.
Il se tut, réfléchi un instant puis répondit :
-Alors c'est ça, le moment où, dans les films, les héros s'avouent tout, se pardonnent et sont miraculeusement indemnes ?
-Si seulement la vie était un film...On pourrait effacer, couper, ré-enregistrer...fit-elle du tac au tac.
-Tu ne m'as toujours pas dit, pour...
Il n'acheva pas sa phrase. Elle respira un grand coup, les larmes lui montèrent de nouveau aux yeux mais elle les ravala. Ses deux bras la faisait souffrir, il fallait qu'elle se dépêche. En parler la libérerait-elle ?
-Il y a un peu plus d'un an, j'étais avec quelqu'un d'autre. Je l'aimais, et il m'aimait aussi je pense. Au premier abord, c'était un garçon brillant, attentionné, drôle et charmeur, doté d'une sensibilité exacerbée et d'une touchante fragilité. Célèbre architecte, les commandes coulaient à flots et l'argent ne manquait pas. Il avait tout pour lui.Au bout de quelques mois, on a emménagé ensemble, et c'est là que l'enfer a commencé. Il était d'une jalousie excessive, il voulait tout contrôler. Il me fliquait, lisait mes SMS, mon courrier, me demandait toujours où j'allais, avec qui, quand, à quelle heure. Nous nous sommes beaucoup disputés à ce propos, il disait parfois des choses horribles sur le coup de la colère, s'excusant une fois calmé. Jusqu'au jour où il m'a frappé pour la première fois. Il a recommencé régulièrement, dès qu'il estimait que je le méritais. Je n'osais rien dire, je n'osais pas partir, de peur qu'il me retrouve et se venge. Il m'étouffait, me grignotait peu à peu. Mes proches ne se doutaient de rien, ils l'adoraient, forcément, il usait de son charme pour les embobiner, les aveugler.
Elle se tut un instant, repris son souffle. Nathaniel était toujours muet.
-Il était de plus en plus violent. Un jour, alors que je luttais pour me protéger, il m'a poussée sur la table du salon. C'était une table en verre. Un éclat s'est planté dans la peau de mon dos et l'a entaillée sur toute sa longueur. Il n'a pas voulu m'amener aux urgences. Ayant quelques « connaissances en médecine », ce dont je doutais fortement, il m'a soignée. Mal sans doute, car ma cicatrice n'a jamais disparue. J'avais tout le temps peur. Je n'étais plus la même. Une autre fois, il a menacé de sauter par la fenêtre. Je lui ai tout craché à la figure, que je le détestais, que j'allais le quitter, pleins de choses horribles qu'il méritait amplement. Il a sauté. J'avais l'impression que c'était ma faute, et plus je voyais cette cicatrice plus je me haïssais. La mort fait peur aux gens, mes prétendus amis, déjà lassé de mon comportement étrange, m'ont délaissée. J'ai tout plaqué, et suis revenue ici, où j'habitais étant plus jeune.
-Et tes parents ? Demanda-t-il
-Ils n'ont jamais su la vérité. Je ne les ai pas vus depuis. De toute façon, ils ne m'auraient pas crue, ils l'encensaient !
-C'est terrible.
-Tu l'as dit... Je n'ai eu aucun contact avec la gent masculine après. J'étais à la limite de la paranoïa, voyant le mal partout, me dérobant au plus petit contact, vivant uniquement pour mon travail. Si on peut appeler ça vivre. Je vivotais, je survivais. Voilà, tu sais tout. A moi de te poser des questions maintenant.
Elle le vit déglutir lentement.
-Pourquoi ces mots en russe, sur tes proies ?
-Je suis bilingue, ma mère était originaire de Russie. Et puis, tous les « serial-killer » ont une signature...
-Charmant. Et la plume ?
-Je suis un passionné des oiseaux, en plus cela contribuait à semer le doute dans l'enquête de la police. Je n'ai jamais mis deux plume provenant du même oiseau ou de la même espèce, jamais laissé de trace ou d'ADN. Je portais des gants.
La douleur s'emparait d'elle, ses dernières forces la quittaient peu à peu.
Un battement d'ailes leur fit tourner la tête. Un goéland, l'air crâne, s'était posé sur un rocher en contrebas. L’œil rond et brillant, il les fixait. Il ouvrit bientôt son bec pour pousser son fameux cri qui déchira leurs oreilles. Léna vit alors le rocher. Mais bien sûr, le rocher !
-Tu vois le rocher ?
-Je ne vois que ça depuis tout à l'heure...On commence à se connaître lui et moi.
-Mais non, pas celui-là, l'autre, en dessous, où la mouette est perchée !
-Et ?...Tu veux que je saute ? Non merci.
-Si je te faisais prendre de l'élan, tu pourrais ?
Elle pouvait presque entendre son cerveau tourner à cent à l'heure.
-A ce moment là, il faudrait que j'y prenne appui pour atterrir sur son copain là-bas. C'est risqué, je n'aurais qu'une fraction de seconde pour...
-Tu vois une autre solution ? lança-t-elle.
Vaincu, il accepta. La jeune femme, malgré son bras endolori, imprima un mouvement de balancier. Nathaniel l'aidait du mieux qu'il le pouvait. Le goéland quitta son perchoir Ils comptèrent à l'unisson « Un, deux...trois ! » Elle le lâcha, et se jeta en arrière pour ne pas tomber.
Il fendit l'air à toute vitesse, agitant les bras dans un vain réflexe pour garder l'équilibre. Il appuya son pied sur le premier rocher, poussa de toutes ses forces...
Léna ferma les yeux, la tension était insupportable.
Il atterrit à quatre pattes sur bord du rocher le plus plat, à deux doigts de s'écraser plus bas. Il lui adressa un sourire d'adieu, souffla un baiser dans sa main, puis détala.
*
Après cette journée mémorable, Nathaniel disparu complètement de sa vie.
Il se dénonça, assumant sa culpabilité pour tous les meurtres qu'il avait commis. L'affaire fut très médiatisée, puis tomba dans l'oubli. Il était condamné à la prison à vie. Habituellement les tueurs en série ressortaient souvent au bout de trente ans, mais pas lui. Le procès s'était déroulé à huit clos, et les détails de l'affaire n'avaient pas été communiqués à la presse.
Il continuait de la hanter parfois, mais elle guérissait peu à peu, le temps accomplissant son œuvre. Parfois son cœur manquait un battement, lorsqu'elle pensait l'apercevoir dans la rue. Ce n'était jamais lui bien sûr. Elle ne lui en voulait plus, car c'était lui qui lui avait montré qu'elle pouvait encore être aimée et aimer en retour. Le hasard n'avait pas joué en sa faveur, dirigeant vers elle deux personnes aussi aimantes que destructrices, aussi brillantes que torturées, elle ne saurait dire pourquoi. Mais elle était forte, elle se relèverait, elle renaîtrait de ses cendres, elle repartirait à zéro, reconstruirait ses fondations plus solidement.
Elle vivrait.
bravissimo pour ton histoire Marjolaine je l'adore!!
Il était une fois, une souris nommée Bleuette qui rêvait de devenir princesse. Vous pourrez lui procurer un grand bonheur en lui envoyant des défis ( non-misés ) pour réalisé son rêve ! Elle vous en remercie d'avance !
╔══╗
╚╗╔╝. (/_/) ce serait cool qu'on puisse
╔╝(¯`v´¯) (°x°). Avoir des lapins sur cromimi
╚══`.¸ Cromimi♥. _/(")(")_ ceux qui sont d'accord avec
Moi copient ce message
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#508 Le 02-11-2012 à 13h46
Bonjour,
Moi, je ne vit que pour les livres:coeur:, donc je pense que ce topic sera super!
Je vais essayer de faire un poème sur cromimi (je dit bien essayer).
Le jeu Cromimi,
C'est vraiment ici.
C'est vraiment bien,
Même si d'autres dise que c'est rien.
Sans ce jeu là,
Je ne serai pas.
Voilà! C'est bien???
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#509 Le 02-11-2012 à 19h48
Mamalaplusmignon: Oui c'est pas mal.Sauf que moi j'aurai écrit ça:
Le jeu Cromimi,
C'est vraiment ici.
C'est vraiment bien,
Même si d'autres dise que c'est rien.
Sans ce jeu là,
Je ne serai pas là.
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#510 Le 02-11-2012 à 21h21
Trooooooop bien ! C'est la fin ou il y a une suite ?Marjolaine16 a écrit :
J'aime beaucoup, mais l'avant-dernier vers sonne bizarre ce serait mieux avec "notre oeuvre s'est renouvelée"ropoulette a écrit :
Sinon, voilà un petit poème que j'ai inventé:
LA VIE
Il faut quelqu'un pour créer,
Quelqu'un pour aider,
Quelqu'un pour nourrir,
Quelqu'un pour grandir.
Il faut quelqu'un pour rencontrer,
Quelqu'un pour continuer,
Quelqu'un pour un sourire,
Quelqu'un pour un soupir,
Quelqu'un pour MOURIR.
Il faut des yeux pour pleurer,
Une voix pour chanter,
Un cimetière pour enterrer,
De la terre pour refermer.
Il faut la mort pour monter aux nuages,
La mort pour ne plus avoir d'âge,
Et là, on peut voir nos créations, même si certaines sont ratées,
Notre œuvre se renouveler,
Dans le monde entier.
Voilà, dites-moi vos avis, j'espère que ça vous a plu!
Sinon voilà la suite de "Lorsque l'oiseau vole" ! Enjoy !Spoiler (Cliquez pour afficher)
Elle n'aimait rien tant que cela. S'asseoir sur un rocher et contempler la mer. Laisser les rayons satinés du soleil caresser son visage. Regarder les bateaux osciller doucement. Écouter le chuchotement des vagues s'écrasant sur les galets, le cri rauque du goéland affamé, ou encore l'harmonieuse symphonie du rouge-gorge perché dans un arbre. Sentir l'odeur âcre des algues qui sèchent. Odeur que certaines personnes détestent odeur qui chatouillait ses narines depuis sa plus tendre enfance. Murmurer ses secrets aux crabes, crevettes ou gobies. Faire couler du sable entre ses doigts, ce sable si fin et doux. Courir dans le vent, pieds nus sur ce même sable. C'était ça la vraie vie pour elle, se sentir en communion avec la nature.
Mais aujourd'hui, quelque chose clochait. La mer était mauvaise, elle pouvait distinguer des moutons blancs d'écume au loin. De lourds nuages noirs masquaient le soleil. Les vagues n'émettaient plus un chuchotement mais un fracas infernal. La marée était haute, si bien que la sable était entièrement recouvert. Le chemin qu'elle empruntait d'habitude pour atteindre son rocher favori lui semblait à présent dangereusement escarpé. Les oiseaux s'étaient tus. Il n'y avait plus aucune trace d'animaux dans les mares d'eau salée.
Tout était différent. Léna avait un mauvais pressentiment. Elle se hissa malgré tout sur son bloc de granit préféré. De là-haut, elle avait vue sur toute la plage. Elle inspira, mais ce ne fut pas la fragrance familière des algues qui pénétra dans son nez.
C'était une odeur métallique.
Étrange, vraiment étrange, pensa-t-elle. Peut-être un volatile blessé, coincé sous un bloc où la mer l'aurait abandonné. Elle descendit du rocher, puis le contourna. L'odeur se fit plus forte. Léna trébucha, faillit tomber, et ne retrouva son équilibre qu'au dernier moment. Elle se pencha, et jeta un coup d’œil.
Oh mon Dieu, pensa-t-elle.
Ce n'était pas un oiseau blessé. C'était un cadavre. Une femme. Le sang coulait lentement d'une plaie sur sa tête, et de longues zébrures ornaient ses bras. La délicate peau blanche de son cou était également meurtrie par des entailles qui formaient un complexe motif.
Léna resta un moment sans bouger, hébétée, à contempler le macchabée, les yeux dans les yeux avec la mort. Puis, elle reprit ses esprits. Après tout, ce n'était que du sang. Elle examina la jeune femme. Environ vingt-cinq ans, peau laiteuse parsemée de grains de beauté, cheveux blonds bouclés qui retombaient délicatement sur ses épaules dénudées. Sans ses yeux fixes, on aurait pu croire qu'elle était vivante. Réprimant un frisson de dégoût, Léna effleura son bras. Il était encore tiède. Léna abaissa son regard vers les pieds de la jeune femme. Ils étaient tout écorchés. La personne qui l'avait tuée l'avait tirée par les bras, ses pieds avaient rappé contre le granit. Puis cette même personne l'avait abandonnée, ici il y a moins d'une demi-heure. Ce devait être quelqu'un de très précis et méthodique, car les motifs sur son cou étaient soigneusement tracés.
Meurtre. Assassinat. Homicide. Tant de mots pour qualifier ce crime qui venait d'être commis. Mots qui résonnaient dans la tête de Léna. Meurtre. Assassinat. HOMIDICIDE !
Elle prit soudain conscience de la réalité. C'était un acte prémédité ? Quelqu'un avait tué cette femme de sang-froid. Une larme solitaire perla sur la joue de Léna, et une question lui vint à l'esprit.
Qui ?
Occupée à dégainer son portable coincé dans sa poche pour appeler la police, elle ne remarqua pas la plume posée sur la main de la victime.
Plume que le vent breton emporta rapidement.
*
Son rire résonna désagréablement dans ses oreilles.
Soudain elle l'énervait. Pourquoi l'avait-il invitée ? Certes, elle était jolie, mais..
Il soupira de mécontentement. Assise face à lui, elle continuait de parler avec le débit d'une mitraillette, s'arrêtant juste pour reprendre son souffle et rire. Pourtant, il n'y avait rien de drôle dans ce qu'elle racontait.
A présent, il planait complètement, et n'écoutait plus les propos de sa compagne, qui blablatait toujours. Fausse blonde aux cheveux longs et abîmés par un lissage excessif, yeux cernés par un épais trait de crayon noir, top décolleté imprimé léopard et talons vertigineux, elle possédait un genre assez particulier. Malgré tout elle rayonnait, joyeuse et naïve. Ce qui le gênait, c'est qu'elle possédait une intelligence égale à celle d'un poisson rouge. Il lui avait demandé si elle aimait Van Gogh, et elle lui avait répondu qu'elle ne connaissait pas ce joueur de foot. Bref, cette fille était un véritable cliché, un stéréotype ambulant. Cette comparaison le fit sourire, et la femme lui demanda alors :
- A quoi penses-tu ?
Il détestait qu'on lui pose cette question. Non, décidément, il ne comprenait pas pourquoi il l'avait invitée. Il cherchait une excuse bidon pour s'en aller, quand il eut une idée.
Allons faire un tour dehors, j'étouffe ici !
La femme acquiesça, lui lança un sourire (aveuglant) de toutes ses dents blanches, puis le suivit à l'extérieur du bar. Perchée sur ses escarpins, elle ne marchait pas, elle ondulait.
Elle n'ondulerait plus très longtemps, se dit-il.
De sa main gauche, il caressait une plume logée dans sa polaire, tandis que son index droit frôlait le fil tranchant d'un couteau.
Brusquement, il s'arrêta au milieu de la rue. Son évaporée compagne, pendue à son bras comme une veste à un porte-manteau, glissa, et se raccrocha à lui.
Non, il ne la tuerait pas. Il avait autre chose à faire ce soir, de plus c'était trop risqué, de nombreuses personnes avaient été témoins de leur rencontre. Il eut du mal à refréner l'Envie, ce désir pur et fou qui courrait depuis peu dans ses veines. C'était si simple d'ôter la vie. De tout contrôler. D'être enfin le maître, d'être tout puissant. Invincible. Il aimait être le chef, mettre fin à la complexe et ordonnée mécanique du corps humain. Mais non, pas maintenant. Il fallait attendre, guetter, prévoir. Qu'il avait hâte de goûter au plaisir de traquer sa proie, de voir la peur s'allumer dans ses yeux à la vue de son arme, l'étonnement de la victime quand il posait une plume sur sa main, puis la souffrance quand il gravait des mots en russe sur sa peau. «Птица вылетает», «'oiseau a prit son envol ».
Il s'arracha violemment à l'étreinte de la blonde, qui s'étala de tout son long sur les pavés humides de Lannion. Puis, il disparut à grandes enjambés.
Le patron du bar sortit alors, et lança à la jeune femme :
Eh ! Vous ! Oui, vous ! Je vous vois venir...N'oubliez pas de payer l'addition !
*
Paresseusement étendue sur le canapé, Léna lisait. Le silence était régulièrement brisé par le ronronnement d'un gros matou roux, roulé en boule sur les jambes de la jeune femme. Elle avait passé la journée seule, au calme, pour se remettre de ses émotions de la veille. Un sourire flotta sur ses lèvres. Trouver un cadavre sur une plage, ce n'est pas un loisir courant. Elle attrapa l'objet le plus proche (un crayon gris à la mine pointue : elle aimait que ses crayons gris soient bien taillés, c'était une habitude étrange, qui, selon certaines personnes, montrait le perfectionnisme dont elle faisait preuve.) pour marquer sa page, puis elle alluma la télévision. Tandis que le générique du journal de 20h défilait sur l'écran, elle grattouilla le chat sur la tête.
« - Tu n'as pas de soucis toi au moins...Tu ne te rends pas compte de ta chance : tu es nourri, logé, et câliné. C'est beau d'être un chat !
Elle reporta son attention sur la télé. « Femme retrouvée... » Elle changea de chaîne. « Drame à Tresmeur ». Elle zappa de nouveau. « Étranges motifs... »
Évidemment, il fallait s'y attendre, la presse avait été avertie. Le meurtre d'Anna Juvo, (car la victime avait été identifiée) faisait la une de tous les journaux, et était présent sur toutes les chaînes télévisées. Léna éteignit la télé. Au même moment, la sonnerie du téléphone retentit. Son cœur s'accéléra brutalement. Nathaniel ! Elle bondit du canapé, délogeant le chat qui émit un miaulement de protestation.
-Allô ? Oui, et toi ?... Rien de spécial, j'ai lu. Pas ce soir ?... Pourquoi ?...Trop de travail, oui je comprends. A demain alors ? OK, je...
Léna hésita un instant, puis se ravisa. Pas maintenant, c'est trop tôt. Ces deux mots étaient trop important pour être utilisé à présent.
-Non, rien. Bonne nuit...
Elle pressa le bouton rouge, puis contempla tristement le téléphone. Elle aurait aimé le voir. Tant pis, elle allait regarder un film, en mangeant du chocolat. Drôle de substitut à son petit ami. Est-ce qu'elle pouvait l'appeler comme ça ? Est-ce qu'il méritait qu'elle l'appelle ainsi ? Peut être devrait elle dire « mon copain » ou alors, « mon ami » ?
Et si ce n'était pas du travail qui le retenait chez lui, mais une fille ? Une fille qui n'a pas peur de lui parler du passé, une fille qui évoque des souvenirs joyeux, une fille qui dit oui, pas une fille qui s'échappe quand il veut en savoir plus, quand il veut aller plus loin, roseau qui plie sous le vent.
Le chat se planta devant elle et lui adressa un regard accusateur. S'il avait pu parler, il lui aurait sûrement dit :
-Arrête de t'en faire pour rien. Vis au jour le jour ! Vas de l'avant, et surtout, ose !
Elle allait suivre son conseil.
Léna revêtit son manteau, attrapa les clés de sa voiture, et sortit précipitamment. Le vent glacé s'engouffra dans le salon, et fit fuir son félin conseiller.
*
La dernière fois, tout s'était déroulé comme dans un rêve. Un grand calme avait envahit sa tête, faisant enfin taire les souvenirs. Cette fois-ci, rien ne marchait comme prévu. Tout lui échappait. Il n'avait pas réussi à l'assommer du premier coup, si bien qu'elle lui avait lancé un coup de pied mal placé. Il était resté quelques secondes à se tordre de douleur à terre, avant de se relever et de la courser. Elle ne courrait pas bien vite, et de toute façon c'était une impasse. Il l'avait rapidement rattrapée, puis embarquée dans sa voiture pour l'amener jusqu'à la plage. Il avait, après mûre réflexion, décidé de la laisser là.
Un gémissement interrompit le cours de ses pensées. Il regarda la femme qui s'était réveillée.
-Que me voulez-vous ? S'il vous plaît, laissez-moi, laissez-moi ! Pitié... Laissez-moi partir où j'appelle les flics, dit-elle.
-Vous ne pouvez pas, vous êtes attachée, lui répondit-il calmement.
Elle essaya de bouger ses poignets. Malheureusement pour elle, ils étaient liés par une corde qui entaillait sa peau. Paniquée, elle se mit à crier.
Le cri résonna dans ses oreilles.
-Fermez-la !
La femme se tut, et commença à sangloter. Elle était dans un bel état, les cheveux en bataille, une bosse sur le crâne, un talon cassé et les poignets en sang à cause de la corde.
Il soupira.
-Pourquoi je suis attachée ? Vous comptez me faire quoi ? Abuser de moi ou me tuer ?
-Vous êtes attachée parce j'ai besoin que vous le soyez. Je ne compte aucunement abuser de vous. C'est de votre faute.
- Qu'est ce qui est de ma faute ? Vous croyez que je suis contente d'être là ? Alors vous allez me tuer ?
Il ne répondit pas, et s'agenouilla à ses côtés. Il sortit de sa poche un objet qu'elle ne réussit pas à identifier, jusqu'à ce qu'il l'élève au-dessus de sa tête. La lune l'éclaira furtivement, faisant reluire l'acier. Un couteau.
Il lui prit fermement le bras, et entailla la chair tendre.
-Répondez-moi ! Qu'est ce que vous faites ? Salaud, lâchez-moi, vous me faites mal !
Elle grimaça sous la douleur, puis se mit à l'insulter, abandonnant toute politesse, soudain pleinement consciente qu'elle ne verrait plus le jour. Il l'ignora. A l'instant, ce n'était plus une femme, mais un animal apeuré, sauvage, dont l'instinct se réveillait, l'avertissant du danger. Elle essaya de le frapper, mais il évita sans peine le coup, rendu lent par la peur et les poings liés.
-Lâchez-moi, lâchez mo...
Sa phrase fut étouffée par la main que l'homme posa sur sa bouche. Il continuait, inexorablement, de zébrer ses bras d'entailles sanglantes.
*
La jeune femme se gara en soulevant un nuage de poussière. Nathaniel n'était pas chez lui. Il lui avait menti.
Léna actionna la poignée. La porte s'ouvrit en produisant un léger grincement. Ce n'était même pas fermé. Elle pénétra dans la maison.
-Il y a quelqu'un ?
Personne ne répondit.
Elle sourit en pensant que, dans les films d'horreur, les héros posaient souvent cette question. Comme si le tueur qui le guettait allait répondre "Je suis dans la cuisine, tu veux un sandwich ?"
Elle scruta la pièce. De grandes étagères débordaient de livres, remplis à raz-bord. Elle tâtonna à la recherche de l'interrupteur, sans succès. Les volets clos laissaient juste un filet de lumière éclairer la pièce. La jeune femme attrapa un livre et en lut la quatrième de couverture. Le résumé était pour elle l'équivalent du mot « anticonstitutionnellement » pour un étranger qui venait juste de commencer à apprendre le français. Elle reposa le livre à sa place, ouvrit une porte et entra. Cuisine, parfaitement rangée. Elle aurait pu manger par terre tellement c'était propre. Elle fit demi-tour, et se dirigea vers une autre pièce. Son entrée fut salué par des battements d'ailes et des piaillements. Sur deux murs s'étendaient des petites cages, remplies d'oiseaux. Des perruches ondulées, des canaris, des diamants de gould, il y en avait de toutes sortes.
Elle longea un couloir, entra dans une pièce. C'était sa chambre. Le lit était défait, une chemise, un pantalon et une veste traînaient sur une chaise. L'armoire était grand ouverte, des vêtements tombaient de leurs cintres, comme si il avait cherché quelque chose puis était parti précipitamment.
Léna s'avança vers le bureau. L'ordinateur était allumé ! Non, elle ne pouvait pas faire ça. Elle allait sagement aller l'attendre dans le salon.
Mais la tentation était trop forte. Après tout, il lui avait menti. Léna s'assit sur la chaise, et fouilla dans l'historique. Qui sait ce qu'elle y trouverait ? Ses doigts volaient sur les touches, quand elle entendit des cris d'oiseaux, puis le bruit de freins sur les gravillons. Elle eut juste le temps de consulter l'historique. Elle y trouva uniquement des sites connus, à part un forum étrange, répondant au nom de « qui nécessitait un mot de passe. Qu'est-ce que ça pouvait bien être ?
*
Nathaniel se gara devant la maison avec l'adresse de l'habitué qui effectue cette manœuvre plusieurs fois pas jour. Il n'aperçut pas immédiatement la voiture. Il était serein, presque joyeux. Il se mis à fredonner une chanson dont les paroles le marquait.
How long must we sing this song? How long? How long?
Il s'interrompit en remarquant la minuscule Twingo grise garée devant la vieille maison.
Léna ?
Son cerveau s'activa, il lui fallait trouver une excuse. Il était passé maître dans l'art de mentir, elle ne se douterait de rien. Il rebroussa chemin, fouilla sous le siège passager de son véhicule (sa poubelle, il jetait tout là-dessous), et attrapa ce qui lui tombait sous la main. Ses doigts effleurèrent quelque chose de gluant, (qu'est-ce que ça pouvait bien être ?) puis un plastique collant, avant de s'emparer d'un objet doux et flétri. Il sortir sa main de l'ombre pour découvrir...Une endive. Une endive ? Une endive en mai ? Depuis combien de temps traînait-elle là ? Il était temps de ranger. Vraiment.
Il marcha vers la vieille bâtisse. Il poussa la porte au bois élimé, puis entra.
Léna attendait, assise entre deux ressorts sur un canapé miteux, les bras croisés.
-Qu'est ce que tu fais là ?
-Quand on est poli, on dit d'abord bonjour.
Aïe, elle était vraiment en boule.
-Bonjour.
Il posa furtivement ses lèvres sur les siennes, puis se recula.
-…
-Je suis allé acheter une endive au supermarché...J'avais envie d'une salade.
Il tressaillit devant le regard foudroyant que la jeune femme lui adressa.
-Tu te fous de moi ?
Merde. Merde ! Se rattraper, trouver une idée, et vite.
-J'ai pris celle qui venait... J'étais pressé de rentrer pour travailler.
-La saison des endives c'est en mars. Pas en mai.
-Il a fait tellement froid que ce n'est pas un souci.
Le regard de Léna se radoucit. Ouf, sauvé...Pour cette fois.
-Comment es-tu rentrée ?
-J'ai pété une fenêtre, fit-elle, un sourire moqueur plaqué sur les lèvres. Mais non, je suis passée par la porte, comme tout le monde ! Tu devais en avoir sérieusement envie de ta salade, pour oublier de fermer en partant !
-Ah...
Naturellement, elle se dirigea vers la cuisine, fouilla dans plusieurs placards, dénicha un saladier, deux tomates, des noix. Devinant sa pensée, il sortit une planche à découper, des couteaux, de quoi mettre la table.
-J'ai fait la connaissance de ta ménagerie...C'est joli toutes ces couleurs.
-J'aime les oiseaux. Alors quoi de plus naturel que d'en élever ?
-Faut que tu me les présente en bonne et du forme. Ils ont des prénoms ?
-Plutôt des numéros, à part mes favoris bien sûr.
-Parce qu'il y a des chouchous en plus ?
A présent ils mangeaient la salade mensongère, assis sur les chaises froides, devant la table en bois abîmé, rayée par le passage de multiples objet, porteuse de longues balafres gravées dans le chêne (cicatrices de guerre ?).
Nathaniel scruta le visage de Léna. Son cœur se serra. C'est la première fois qu'il ressentait cela pour une femme. Léna était un paradoxe vivant. Son paradoxe.
Des cheveux couleur aile de corbeaux, légèrement ondulés, épais et sombres, encadrant un petit visage ovale taillé à la hache, aux angles cassants qui lui donnaient un air sauvage. De grands yeux à la couleur indescriptible, gris, verts, avec des nuances fauves près de la pupille et des paillettes d'or, qui mangeaient son petit visage. Ses yeux clignaient souvent, observaient tout et vous transperçaient, paraissaient lire en vous, semblaient distinguer chaque parcelle de votre âme. Des yeux dans lesquels on évite de plonger son regard, que l'on affronte pas. Un nez de taille moyenne, et une bouche charnue qui paraissait minuscule, tant ces yeux étaient grands. Des mains qui papillonnaient à chaque parole, aux longs doigts, un poignet minuscule aux os fins. Un grain de beauté sur la joue, un au-dessus du sourcil droit, et un autre qui le narguait dans la nuque. Un rire de petite fille piégé dans ce corps de femme. Corps mince et souple parfois, dur et cassant là où les coudes saillent, où les clavicules accentuent la minceur, où les os des hanches sont trop visibles. Presque trop mince, si bien qu'il aurait peur de la casser. Avec ça un caractère changeant, assorti au physique. Elle pouvait faire preuve d'une colère incontrôlable et l'instant d'après, fondre en larme en se rendant compte des dégâts causés par cette rage sourde. Elle pouvait être tendre et douce, tenter puis repousser, se dévoiler puis ne plus parler du passé pendant plusieurs jours. Elle écrivait, puis elle effaçait. Arrête Léna, arrête d'effacer...
-Pourquoi tu me regardes comme ça ?
-Tu es belle.
Elle s'attendait à tout sauf à cette réponse. Un étonnement total se lisait sur son visage. Elle avait un charme particulier, avec cet air à la fois fragile et dur, mais il était attiré par elle comme un aimant l'est par le métal. Il avait envie d'être toujours à ses côtés, de la voir, de la toucher. Il...l'aimait ?
Sentiment nouveau pour lui. Il n'avait jamais connu ça.
Nathaniel se pencha vers la jeune femme, toute réserve disparue, et posa sa bouche sur la sienne.
-Léna...Je t'aime.
*
De multiples pensées déferlèrent dans l'esprit de Léna. C'était un innommable bordel dans son crâne. Il lui semblait que ses neurones dansaient la salsa, que son cœur jouait à chat avec ses intestins. Elle en fut toutes retournée pendant quelques instants. C'était...Woaw.
Un peu plus et elle aurait pu se croire dans un film de Walt Disney dégoulinant de mièvrerie et de tendresse, où tout est bien qui finit bien, où le grand méchant est puni et l'adorable princesse heureuse. Beurk. On oublie de dire aux petites filles que le cheval blanc se casse régulièrement la jambe et que le soigner coûte cher, que le prince est un coureur de jupon quitte Blanche-Neige pour la méchante belle-mère, et surtout que le prince n'est pas toujours celui que l'on croit. Rien n'est tout beau, tout blanc tout gentil, rien n'est tout noir, tout méchant, tout horrible. Le monde est juste fait de milliers de nuances de gris.
Et personne n'est parfait. On ne le sait pas, mais la princesse est peut être amoureuse de l'un des sept nains. Peut-être aussi qu'elle a des boutons, un nez trop grand, des yeux trop petits et des sourcils trop épais. La perfection n'existe pas, quoi que Blanche-Neige dise.
Nathaniel était ponctuel, galant juste ce qu'il faut, gentil, intelligent sans aucun doute, ni pauvre ni riche, cultivé, ni macho ni paresseux. Il avait en plus ce charisme qui fait qu'un sourire vous bouleverse, et le mystère qui régnait sur son passé et sur sa vie en général l'attirait.
Ce n'était pas possible, il devait bien avoir un défaut !
Il était trop parfait pour être réel... Juste pour être sûre, elle le pinça. On ne sait jamais.
-Aïe ! Qu'est ce que tu fais ?
-Je voulais juste vérifier que tu existais vraiment...C'est trop beau pour être vrai !
-J'embrasse si bien que ça ?
Ils rirent à l'unisson, mais le rire de la jeune femme se brisa à l'instant où Nathaniel lui ôta son pull et caressa son dos. Le prince avait-il des intentions...moins innocentes ? Il était temps de l'arrêter là.
A moins que...
Non, non, tais-toi Léna. Ne dis rien, c'est trop agréable. Chut, chut, chut. Alors la petite voix de la raison se tut, et les mains continuèrent leur œuvre. Elle atteignirent bientôt une zone pâle et bosselée, quittant le satin de la peau dorée. Une cicatrice ?
-Qu'est ce que...fit-il.
-Rien. Ce n'est rien.
Il ne posa pas de questions, de peur de briser l'instant présent.
*
Le soleil du matin entra par la fenêtre et réveilla Léna. Elle ouvrit difficilement les yeux, et sourit en apercevant Nathaniel endormi à ses côtés. Le prince charmant était encore dans les bras de Morphée...
Elle repoussa la couette, pose ses pieds à terre. Ses poils se hérissèrent sous la caresse du froid, un frisson glacial courut le long de sa peau nue. Elle se leva, et enfila des chaussons beaucoup trop grands pour elle. Taille 43 alors qu'elle chaussait du 38. Comique, elle allait marcher comme un canard. Elle revêtit ses vêtements de la veille, et farfouilla à la recherche de ses clés. Envie de pain frais tartiné de Nutella. Bonheur des papilles en perspective. Elle sortit sans faire de bruit, referma la porte derrière elle, sourire jusqu'au oreilles. Elle était heureuse, enfin.
Elle attrapa une polaire marron très laide, pour se protéger du froid. Pas très esthétique, mais au moins elle aura chaud. Le soleil a beau briller de toutes ses forces, il y a toujours un vilain petit vent qui souffle le matin.
Elle entra dans la boulangerie, et renifla la bonne odeur de pain frais. Miam. La jeune femme ressortit, deux baguettes croustillantes et farineuses sous le bras. Elle fourra la monnaie dans sa poche, se dirigea vers la maison de la presse. Elle aimait bien lire les nouvelles du jour. Assise dans la voiture, elle déplia le journal qu'elle venait d'acheter, avant de laisser échapper un juron en découvrant la une.
« L'oiseau tueur a encore frappé »
Ainsi ce n'était pas un crime passionnel isolé. Un malade mental courrait en liberté sur les plages trébeurdinaises et provoquait la police en abandonnant sa pauvre victime non pas sur la plage de Tresmeur cette fois-ci, mais à Goas Trez. Ça donne envie d'aller pêcher des palourdes tout ça, pense-t-elle.
En effet, à Trébeurden, il y a quatre plages. Tresmeur, où les habitués et les touristes se retrouvent, Goas Trez pour la pêche aux coques ou la pêche aux palourdes, Pors Termen quand le vent du nord souffle, ainsi que Pors Mabo, pour les gens solitaires.
Un meurtre pour chaque plage ? C'est le même tueur, c'est encore une femme avec un mot gravé dans la chair. « Птица была там », « l'oiseau est passé par là ». Énigmatique. Une plume avait également été retrouvée, coincée dans les cheveux de cette pauvre femme. Les journalistes prétendaient que c'était un crime parfait. Pas d'ADN, pas de témoins. Aucuns indices. Ils savaient juste que c'était un homme.
Cela la dégouttait qu'un tel monstre soit en liberté. Peut-être l'avait-elle même déjà rencontré, sans savoir qui il était. Elle souhaitait vraiment qu'il se retrouve sous les barreaux.
Comment fait-il pour faire taire sa conscience, et ignorer les remords, se dit elle ?
Si remords il y avait.
*
Léna enleva la polaire et la jeta négligemment sur le canapé. Elle remplit la gamelle du chat, avant de foncer dans sa chambre. Elle sortit une valise d'un placard, attrapa quelques vêtements dans son armoire, saisit des livres, et balança le tout à l'intérieur. Trop pressée pour bien plier. Trop hâte de revoir Nathaniel...
Nathaniel... Brun, des yeux en amande couleur ambre, qui la contemplait tendrement. Nathaniel, aux bras réconfortants qui lui donnaient l'impression d'être en sécurité.
Ses pensées furent interrompues par le gargouillement de son estomac. Deuxième constatation anti-Disney : on ne peut pas vivre d'amour et d'eau fraîche.
Elle ferma la valise, et se précipita dans le salon. Elle chercha ses clés du regard. D'habitude elle les posaient...N'importe où en fait.
Elle chercha un peu partout, avant de s'emparer de la polaire de Nathaniel et d'en fouiller les grandes poches. Elle la portait en sortant de la voiture, elle avait peut-être fourré les clés dedans...
Impatiente, elle secoua la polaire. Des pièces tombèrent en tintant (la monnaie du pain!), bientôt suivies par un emballage de chewing-gum et une plume. Une plume ? Elle fouilla l'autre poche, secoua le vêtement dans l'autre sens. Ses clés tombèrent, ainsi qu'un couteau.
Un couteau ? Une plume ?
Non, non.
L'oiseau tueur...
Pitié, non. Non, pas lui. C'était une erreur. Un cauchemar peut-être.
Tu aimes un tueur...
Léna ouvrit les yeux, mais le couteau et la plume gisaient toujours à terre. Elle les attrapa pour les examiner de plus près. La plume était d'un jaune délicat. Une plume de canari. Le couteau, lui, était parfaitement propre.
Après tout, il pouvait bien garder un couteau dans sa poche pour se défendre. Et la plume était peut-être un souvenir. Une émouvante relique.
Un point d'un rouge presque noir attira son œil sur l'objet. Dans le petit creux entre la lame et le manche, une goutte de sang coagulé.
Plus de doutes cette fois, plus d'excuses.
Léna s'effondra au sol, et se mit à sangloter. N'aurait-elle donc jamais droit au bonheur ? Pourquoi fallait-il toujours qu'elle tombe sur la mauvaise personne ? Pourquoi ? Pourquoi ?!
Des larmes roulèrent sur ses joues, perles de tristesses, avant de s'écraser au sol, mouillant la petite plume. La jeune femme l'attrapa et la lança vers le mur. Elle retomba tristement à terre sans même le toucher. Elle lança alors le couteau rageusement. Il griffa la tapisserie et tomba avec un tintement métallique. Elle suffoquait, étouffait dans ses larmes, anéantie. Alors il ne l'aimait pas vraiment ? Elle était juste une future victime, trophée de chasse parmi tant d'autres. Vu son minois et son charme dont il usait et abusait, toutes les femmes devait être à ses pieds.
Ses larmes redoublèrent, et elle se roula en position fœtale sur le lino froid. Dégoût, amour, tristesse et regrets se mélangeaient. Elle se traîna ensuite jusqu'aux toilettes, où elle rendit tout son petit-déjeuner. Elle n'était plus que le pâle reflet de la Léna heureuse de ce matin. Ses cheveux emmêlés semblaient à présent gris dans la lumière blafarde des néons, et elle était livide. Elle s'assit sur la cuvette dont elle avait fermé l'abattant, puis pris sa tête entre ses mains. Elle recommença à pleurer. Qu'allait elle faire à présent ?
Un miaulement brisa le silence, bientôt suivi par un doux ronronnement. Le chat.
Elle le serra dans ses bras, un peu trop fort à son goût, car il se dégagea et s'enfuit en courant.
Même le chat ne l'aimait plus.
C'était la fin des haricots.
*
Pas de chance pour lui, elle habitait au deuxième étage d'un petit immeuble. Coup de chance, elle était chez elle.
Nathaniel hésitait. L'ascension serait difficile, peut-être douloureuse, mais pas impossible. Il cala ses pieds dans les interstices du mur et se hissa, étreignant la gouttière. Celle-ci gémit sous son poids et ploya dangereusement. Il ne se laissa pas décourager, monta plus haut, toujours plus haut. Enfin, il s'accrocha au balcon, et roula sous la barrière en verre.
Un mois qu'elle n'avait pas donné de signes de vie. Un mois qu'il avait passé seul, entre ses oiseaux, ses livres, ses doutes et ses démons. Et, accessoirement, ses collègues de travail.
Il distinguait vaguement sa silhouette derrière le rideau blanc, mais cela lui suffisait. Il voulait juste s'assurer qu'elle était vivante. Un accident de voiture, c'est si vite arrivé !
Rasséréné, il entreprit de descendre par le même chemin. La descente est toujours plus dure que la montée, se rappela-t-il. La gouttière grinça une nouvelle fois, et se décrocha. Des branches craquèrent, il se prit des fleurs dans la figure, puis, enfin, ses pieds touchèrent le sol. Juste à temps. Dans un réflexe surhumain, il attrapa la gouttière et amortit sa chute.
Il se dégagea du massif d'hortensia dans lequel il avait atterrit, frissonnant sous la morsure du vent. Il ne trouvait plus sa polaire.
Des branches craquèrent et il retint son souffle. Le silence régnait. Il se mit à courir, jetant de temps à autre un coup d’œil derrière lui. Tout à sa peur d'être découvert, il ne vit pas la masse sombre qui se dressait devant lui.
Il heurta la poubelle de plein fouet. Elle s'écroula sous l'impact, expulsant le sac poubelle. Un objet pointu le transperça, les ordures se dévidèrent sur le bitume.
Quelle ne fut pas la surprise de Nathaniel de découvrir son couteau émergeant de la gueule béante du monstre de plastique.
Les pièces du puzzle s'assemblèrent...
Les cheveux soulevés par le vent, elle marchait. La promenade était déserte, on aurait dit une ville, ou plutôt, une plage fantôme. Les couleurs lui semblaient tristes et délavées. Le vent emportait du sable qui fouettait ses jambes nues. Cet environnement d'habitude si familier était aujourd'hui presque agressif. Une chaleur moite et collante régnait, prémices d'un orage printanier.
Le mauvais pressentiment qui l'avait atteinte deux mois plus tôt enserra à nouveau sa poitrine d'une main de fer. A présent elle étouffait sous le ciel bas, il lui semblait entendre des pas derrière elle, elle sentait la piqûre brûlante d'un regard sur sa nuque. Son cœur se serra un peu plus.
« Tu deviens complètement parano. Complètement folle. Continue de marcher, tu rêves, tu rêves, tu rêves, tu rêves, ce n'est rien, ce n'est rien. »
Mais la sensation persistait, augmentait, et, n'y tenant plus, elle se retourna.
Elle ne rêvait pas. Il était bien là, derrière elle, un sourire avenant plaqué sur ses lèvres. Ce sourire... Il n'atteignait pas ses yeux, qui restaient froids, durs, emplis d'une lueur qu'elle n'avait encore jamais vue.
« - Léna...
Que faire ? L'ignorer ? Fuir ? Il courrait plus vite qu'elle, il aurait vite fait de la rattraper. Lui parler ?
-Tu sais que tu m'as manqué...Ce n'est pas très poli de laisser des gens qu'on aime sans nouvelles...Sans rien...pendant un mois. Tu te rends compte ? C'est long un mois, ça laisse le temps de réfléchir...de planifier....
Elle paniqua.
-Laisse-moi ! Disparais ! Disparais de ma vie ! Je ne veux plus te voir. Après ce que tu as fait...Je ne pourrais même plus te regarder dans les yeux, lui cracha-t-elle.
Tu en es sûre ?...
Avec un mouvement félin, qu'elle ne put arrêter, il attrapa son menton, forçant ses yeux à se plonger dans les siens, enserrant cruellement son poignet dans son autre main.
Ce regard la glaça littéralement. L'éclat chaud de ses prunelles noisettes n'existait plus. Rien que ce regard glacial, qui l'étouffait, la broyait.
-Léna...répéta-t-il d'une voix mielleuse, ma chère, ma tendre petite Léna...Si faible, si fragile...
Elle sentit quelque chose de froid contre son cou, un éclat bleuté l'aveugla.
-Tu cries, j'appuie. J'appuie, tu meurs, susurra-t-il d'une voix suave, juste à côté de son oreille.
Un couteau.
Elle ravala le hurlement qui montait dans sa gorge. Il la poussa légèrement, la main fermement ancrée sur l'arme.
Avance.
Et elle avança, tandis que son esprit tournait à cent à l'heure. Elle le pensait tout à fait capable de la tuer. Même si elle criait, personne ne l'entendrait. Ses pas s'enchaînaient, tandis qu'elle priait pour que quelqu'un, de préférence fort, arrive et remarque leurs comportements anormaux. Elle ne pouvait pas se soustraire à son étreinte, il était plus grand, et sans aucun doute plus fort qu'elle. Aucun échappatoire possible.
Ils descendirent un escalier, marchèrent un moment sur le sable humide, puis il l'entraîna sur les rochers. Elle peinait à avancer, collée à lui. Il arrivèrent bientôt dans une petite crique, à l'abri des éventuels regards.
-Qu'est-ce que tu vas faire de moi maintenant ? Tu vas me tuer ? Comme les autres ? Dit-elle. Le crime parfait n'existe pas. Alors arrête. On peut se tromper une fois, deux fois, trois fois. Mais il faut savoir reconnaître ses erreurs. C'est ça l'intelligence, la vraie. Stoppe tant que tu peux encore !
Elle avait tenté de faire passer à travers sa voix toute la force et la détermination qui l'habitaient encore. Peine perdue.
-Je n'ai rien à perdre. Absolument rien. Alors rien ni personne ne m'arrêtera
-Tu arrives à dormir la nuit ? Tu arrives à les faire taire les remords ? A étouffer ta conscience ? Ou est-ce que tu es juste un monstre sans cœur ? Et puis pourquoi ? Pourquoi tuer des femmes innocentes ?
-Je suis un monstre. Le meurtre, c'est une drogue, une drogue pure et dure, dont je ne serais plus jamais sevré.
-Je pensais que tu....
Les mots restèrent bloqués.
-Tu pensais que je t'aimais ?
Il approcha son visage du sien, si près qu'elle eut un instant la fugace espérance qu'il allait l'embrasser, que tout cela n'était qu'un cauchemar, un mauvais rêve. Qu'elle se réveillerait dans une vie parfaite. Il la plaqua contre le sable, le couteau toujours contre sa peau.
-Et bien tu t'es trompée.
Choquée, elle oublia un instant sa position de victime pour lui lancer une gifle. Elle profita de la seconde d'inattention qui suivit pour le repousser et s'éloigner tant bien que mal, des larmes roulant sur ses joues. Nathaniel jura entre ses dents, avant de la rejoindre. Il l'attrapa et bloqua ses poignets à l'aide de son bras libre, la joue marbrée de rouge.
-Tu pensais vraiment que je t'aimais ? Je suis un monstre Léna. Un monstre. Je suis incapable d'éprouver des sentiments pour quiconque ! Je vais te tuer !
-Je m'en fous. Parce que moi, je t'aime, dit-elle
-Ah oui, vraiment, et pourtant je te dégoûte ? C'est contradictoire comme sentiments...Et là, tu m'aimes encore ? Tu ne me détestes toujours pas ? Fit-il en traçant une sanglante balafre sur son bras, presque délicatement, de la pointe de son arme, comme un peintre appliqué sur sa toile.
Elle gémit, et tenta de se dégager. Elle lutta, le sang dégoulinant sur son chemisier, poisseux et chaud.
-Tu me déteste maintenant ? Ça y est ?
-Non, non, non, nooo...
Sa voix s'éteignit tandis qu'il l'écorchait une nouvelle fois.
*
Elle le regardait avec une expression si tendre. Elle avait l'air si fragile à présent qu'il aurait aimé l'épargner. Elle l'aimait. Elle pouvait le sauver. Elle voyait en lui plus que le monstre, elle discernait la lumière sous la noirceur. Si faible...
Elle mord sa lèvre inférieure, dans une mimique adorable qui la fait ressembler à une enfant, tentant d'empêcher ses larmes de couler. Si faible...
Non. Elle le déteste. Elle le hait. Elle est dégoûtée par lui. Comme tout le monde. Personne ne le comprend. Personne ne comprend cette pernicieuse douleur qui s'insinue au creux de son être. Personne.
Le sang, son sang, si rouge, si rouge, le faire couler encore, encore, c'est tellement simple d'ôter la vie, le sanglesanglesangleslarmeslesang.
Contrôle. Agit. Calmement. Ne laisse pas ton passager noir gagner.
Mais...
Ne lui a-t-elle pas caché des secrets elle aussi ? Cette cicatrice... Il n'aime pas les secrets.
*
-D'où elle vient, cette cicatrice ?
La cicatrice. Cette immonde marque qui partait de son omoplate droit et courrait jusqu'au bas de son dos, qu'elle cachait tant bien que mal, qui la dégoutait.Une terreur sans nom s'empara d'elle. Son esprit fléchit, basculant entre passé et présent. Son visage se mêlait à celui de Nathaniel, les traits se superposaient. Elle pourrait toujours essayer d'oublier, son passé revenait toujours en courant, jamais il ne restait enfoui bien longtemps. Ses mains tremblaient, une terreur sans nom s'emparait d'elle. Elle pris sa tête entre ses mains, respirant par saccades, sanglotant, tentant d'effacer son visage. Elle en avait assez. Assez de crouler sous le poids des souvenirs, assez d'être comme marquée au fer par cette balafre, lassée de ses galères amoureuses, des fins de mois difficiles. La chance devait tourner. La vie n'est quand même pas si cruelle ?
« Vie violence, ça va de pair ; les deux se balancent, paradis enfer ».
*
-Alors !?
Elle ne répondit toujours pas, elle tremblait, enserrant ses jambes de ses bras, se balançant doucement au rythme d'une inaudible chanson, ses cheveux masquant son visage. Il voyait juste ses larmes qui, goutte à goutte, tombaient sur le sable.
-C'est si dur que ça à dire ?!
Elle leva les yeux sur lui. Il y avait un tel mépris dans ce regard... Elle se mit debout, pour mieux lui hurler au visage :
-OUI !
Il eut un mouvement de recul, trébucha sur un galet et tomba en arrière.
*
Aussitôt, elle courut. Elle courut comme elle ne l'avait jamais fait, avec le vent, avec le cœur, avec les tripes. Elle entendait juste ses pieds contre les roches, ripant, glissant parfois, et sa respiration. Inspire, expire, inspire, expire. Elle voyait la promenade proprement dallée se rapprocher de plus en plus.
« Tu y es presque Léna, vas-y encore un effort ! »
Sa cheville se tordit et elle s'étala sur le granit. Elle voulut se relever, mais elle entendait déjà le claquement des pieds de Nathaniel sur les pierres se rapprocher.
Léna se traîna, tantôt marchant, tantôt rampant, tantôt courant jusqu'à son rocher. Quitte à mourir, autant mourir ici. Jusque dans son dernier souffle elle ferait corps avec la mer, son dernier regard serait pour ce paysage qu'elle aimait tant. Debout face au ciel et à la mer, le sang dégoulinant toujours de sa plaie, elle se sentit vivante pour la deuxième fois en deux mois. Des mains puissantes, pleines de tension se posèrent sur ses épaules.
-Léna...Cette fois, c'est la fin.
Il pressa furtivement ses lèvres contre sa coupure, puis plaqua la lame contre sa gorge.
Léna usa de ses dernières parcelles d'énergie pour le repousser. Il vacilla, lui adressa un regard indescriptible, et se laissa tomber, sous ses yeux, se destinant ainsi à une mort certaine.
*
Elle eut un réflexe qui sauva la vie de Nathaniel : elle se jeta au sol et attrapa son poignet. Elle crut que la secousse qui suivit allait lui arracher le bras, mais elle tint bon, calant ses pieds dans les anfractuosités de la roche et raffermissant sa prise. Deux choix s'imposaient à elle. Soit elle lâchait, soit elle tenait. Si elle lâchait, Nathaniel mourrait certainement, en s'écrasant sur les pierres quelques mètres plus bas, et elle vivrait avec un homicide involontaire sur la conscience. Soit elle elle tenait, mais elle finirait de toute façon par le lâcher, tombant avec lui car étant elle aussi dans une position précaire.
-Léna ?
-Oui ?
-Lâche-moi, dit-il, l'air déterminé.
Il était apparemment parvenu à la même conclusion qu'elle. Comment pouvait-il décider de la sauver à présent alors qu'il était près à la tuer quelques instants plus tôt ? Il était vraiment...déroutant, voilà déroutant, mystérieux et sérieusement atteint.
-Je ne te lâcherais pas.
Il se tut, réfléchi un instant puis répondit :
-Alors c'est ça, le moment où, dans les films, les héros s'avouent tout, se pardonnent et sont miraculeusement indemnes ?
-Si seulement la vie était un film...On pourrait effacer, couper, ré-enregistrer...fit-elle du tac au tac.
-Tu ne m'as toujours pas dit, pour...
Il n'acheva pas sa phrase. Elle respira un grand coup, les larmes lui montèrent de nouveau aux yeux mais elle les ravala. Ses deux bras la faisait souffrir, il fallait qu'elle se dépêche. En parler la libérerait-elle ?
-Il y a un peu plus d'un an, j'étais avec quelqu'un d'autre. Je l'aimais, et il m'aimait aussi je pense. Au premier abord, c'était un garçon brillant, attentionné, drôle et charmeur, doté d'une sensibilité exacerbée et d'une touchante fragilité. Célèbre architecte, les commandes coulaient à flots et l'argent ne manquait pas. Il avait tout pour lui.Au bout de quelques mois, on a emménagé ensemble, et c'est là que l'enfer a commencé. Il était d'une jalousie excessive, il voulait tout contrôler. Il me fliquait, lisait mes SMS, mon courrier, me demandait toujours où j'allais, avec qui, quand, à quelle heure. Nous nous sommes beaucoup disputés à ce propos, il disait parfois des choses horribles sur le coup de la colère, s'excusant une fois calmé. Jusqu'au jour où il m'a frappé pour la première fois. Il a recommencé régulièrement, dès qu'il estimait que je le méritais. Je n'osais rien dire, je n'osais pas partir, de peur qu'il me retrouve et se venge. Il m'étouffait, me grignotait peu à peu. Mes proches ne se doutaient de rien, ils l'adoraient, forcément, il usait de son charme pour les embobiner, les aveugler.
Elle se tut un instant, repris son souffle. Nathaniel était toujours muet.
-Il était de plus en plus violent. Un jour, alors que je luttais pour me protéger, il m'a poussée sur la table du salon. C'était une table en verre. Un éclat s'est planté dans la peau de mon dos et l'a entaillée sur toute sa longueur. Il n'a pas voulu m'amener aux urgences. Ayant quelques « connaissances en médecine », ce dont je doutais fortement, il m'a soignée. Mal sans doute, car ma cicatrice n'a jamais disparue. J'avais tout le temps peur. Je n'étais plus la même. Une autre fois, il a menacé de sauter par la fenêtre. Je lui ai tout craché à la figure, que je le détestais, que j'allais le quitter, pleins de choses horribles qu'il méritait amplement. Il a sauté. J'avais l'impression que c'était ma faute, et plus je voyais cette cicatrice plus je me haïssais. La mort fait peur aux gens, mes prétendus amis, déjà lassé de mon comportement étrange, m'ont délaissée. J'ai tout plaqué, et suis revenue ici, où j'habitais étant plus jeune.
-Et tes parents ? Demanda-t-il
-Ils n'ont jamais su la vérité. Je ne les ai pas vus depuis. De toute façon, ils ne m'auraient pas crue, ils l'encensaient !
-C'est terrible.
-Tu l'as dit... Je n'ai eu aucun contact avec la gent masculine après. J'étais à la limite de la paranoïa, voyant le mal partout, me dérobant au plus petit contact, vivant uniquement pour mon travail. Si on peut appeler ça vivre. Je vivotais, je survivais. Voilà, tu sais tout. A moi de te poser des questions maintenant.
Elle le vit déglutir lentement.
-Pourquoi ces mots en russe, sur tes proies ?
-Je suis bilingue, ma mère était originaire de Russie. Et puis, tous les « serial-killer » ont une signature...
-Charmant. Et la plume ?
-Je suis un passionné des oiseaux, en plus cela contribuait à semer le doute dans l'enquête de la police. Je n'ai jamais mis deux plume provenant du même oiseau ou de la même espèce, jamais laissé de trace ou d'ADN. Je portais des gants.
La douleur s'emparait d'elle, ses dernières forces la quittaient peu à peu.
Un battement d'ailes leur fit tourner la tête. Un goéland, l'air crâne, s'était posé sur un rocher en contrebas. L’œil rond et brillant, il les fixait. Il ouvrit bientôt son bec pour pousser son fameux cri qui déchira leurs oreilles. Léna vit alors le rocher. Mais bien sûr, le rocher !
-Tu vois le rocher ?
-Je ne vois que ça depuis tout à l'heure...On commence à se connaître lui et moi.
-Mais non, pas celui-là, l'autre, en dessous, où la mouette est perchée !
-Et ?...Tu veux que je saute ? Non merci.
-Si je te faisais prendre de l'élan, tu pourrais ?
Elle pouvait presque entendre son cerveau tourner à cent à l'heure.
-A ce moment là, il faudrait que j'y prenne appui pour atterrir sur son copain là-bas. C'est risqué, je n'aurais qu'une fraction de seconde pour...
-Tu vois une autre solution ? lança-t-elle.
Vaincu, il accepta. La jeune femme, malgré son bras endolori, imprima un mouvement de balancier. Nathaniel l'aidait du mieux qu'il le pouvait. Le goéland quitta son perchoir Ils comptèrent à l'unisson « Un, deux...trois ! » Elle le lâcha, et se jeta en arrière pour ne pas tomber.
Il fendit l'air à toute vitesse, agitant les bras dans un vain réflexe pour garder l'équilibre. Il appuya son pied sur le premier rocher, poussa de toutes ses forces...
Léna ferma les yeux, la tension était insupportable.
Il atterrit à quatre pattes sur bord du rocher le plus plat, à deux doigts de s'écraser plus bas. Il lui adressa un sourire d'adieu, souffla un baiser dans sa main, puis détala.
*
Après cette journée mémorable, Nathaniel disparu complètement de sa vie.
Il se dénonça, assumant sa culpabilité pour tous les meurtres qu'il avait commis. L'affaire fut très médiatisée, puis tomba dans l'oubli. Il était condamné à la prison à vie. Habituellement les tueurs en série ressortaient souvent au bout de trente ans, mais pas lui. Le procès s'était déroulé à huit clos, et les détails de l'affaire n'avaient pas été communiqués à la presse.
Il continuait de la hanter parfois, mais elle guérissait peu à peu, le temps accomplissant son œuvre. Parfois son cœur manquait un battement, lorsqu'elle pensait l'apercevoir dans la rue. Ce n'était jamais lui bien sûr. Elle ne lui en voulait plus, car c'était lui qui lui avait montré qu'elle pouvait encore être aimée et aimer en retour. Le hasard n'avait pas joué en sa faveur, dirigeant vers elle deux personnes aussi aimantes que destructrices, aussi brillantes que torturées, elle ne saurait dire pourquoi. Mais elle était forte, elle se relèverait, elle renaîtrait de ses cendres, elle repartirait à zéro, reconstruirait ses fondations plus solidement.
Elle vivrait.
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#511 Le 03-11-2012 à 00h44
Coucou!!mezou a écrit :
Trooooooop bien ! C'est la fin ou il y a une suite ?Marjolaine16 a écrit :
J'aime beaucoup, mais l'avant-dernier vers sonne bizarre ce serait mieux avec "notre oeuvre s'est renouvelée"ropoulette a écrit :
Sinon, voilà un petit poème que j'ai inventé:
LA VIE
Il faut quelqu'un pour créer,
Quelqu'un pour aider,
Quelqu'un pour nourrir,
Quelqu'un pour grandir.
Il faut quelqu'un pour rencontrer,
Quelqu'un pour continuer,
Quelqu'un pour un sourire,
Quelqu'un pour un soupir,
Quelqu'un pour MOURIR.
Il faut des yeux pour pleurer,
Une voix pour chanter,
Un cimetière pour enterrer,
De la terre pour refermer.
Il faut la mort pour monter aux nuages,
La mort pour ne plus avoir d'âge,
Et là, on peut voir nos créations, même si certaines sont ratées,
Notre œuvre se renouveler,
Dans le monde entier.
Voilà, dites-moi vos avis, j'espère que ça vous a plu!
Sinon voilà la suite de "Lorsque l'oiseau vole" ! Enjoy !Spoiler (Cliquez pour afficher)
Elle n'aimait rien tant que cela. S'asseoir sur un rocher et contempler la mer. Laisser les rayons satinés du soleil caresser son visage. Regarder les bateaux osciller doucement. Écouter le chuchotement des vagues s'écrasant sur les galets, le cri rauque du goéland affamé, ou encore l'harmonieuse symphonie du rouge-gorge perché dans un arbre. Sentir l'odeur âcre des algues qui sèchent. Odeur que certaines personnes détestent odeur qui chatouillait ses narines depuis sa plus tendre enfance. Murmurer ses secrets aux crabes, crevettes ou gobies. Faire couler du sable entre ses doigts, ce sable si fin et doux. Courir dans le vent, pieds nus sur ce même sable. C'était ça la vraie vie pour elle, se sentir en communion avec la nature.
Mais aujourd'hui, quelque chose clochait. La mer était mauvaise, elle pouvait distinguer des moutons blancs d'écume au loin. De lourds nuages noirs masquaient le soleil. Les vagues n'émettaient plus un chuchotement mais un fracas infernal. La marée était haute, si bien que la sable était entièrement recouvert. Le chemin qu'elle empruntait d'habitude pour atteindre son rocher favori lui semblait à présent dangereusement escarpé. Les oiseaux s'étaient tus. Il n'y avait plus aucune trace d'animaux dans les mares d'eau salée.
Tout était différent. Léna avait un mauvais pressentiment. Elle se hissa malgré tout sur son bloc de granit préféré. De là-haut, elle avait vue sur toute la plage. Elle inspira, mais ce ne fut pas la fragrance familière des algues qui pénétra dans son nez.
C'était une odeur métallique.
Étrange, vraiment étrange, pensa-t-elle. Peut-être un volatile blessé, coincé sous un bloc où la mer l'aurait abandonné. Elle descendit du rocher, puis le contourna. L'odeur se fit plus forte. Léna trébucha, faillit tomber, et ne retrouva son équilibre qu'au dernier moment. Elle se pencha, et jeta un coup d’œil.
Oh mon Dieu, pensa-t-elle.
Ce n'était pas un oiseau blessé. C'était un cadavre. Une femme. Le sang coulait lentement d'une plaie sur sa tête, et de longues zébrures ornaient ses bras. La délicate peau blanche de son cou était également meurtrie par des entailles qui formaient un complexe motif.
Léna resta un moment sans bouger, hébétée, à contempler le macchabée, les yeux dans les yeux avec la mort. Puis, elle reprit ses esprits. Après tout, ce n'était que du sang. Elle examina la jeune femme. Environ vingt-cinq ans, peau laiteuse parsemée de grains de beauté, cheveux blonds bouclés qui retombaient délicatement sur ses épaules dénudées. Sans ses yeux fixes, on aurait pu croire qu'elle était vivante. Réprimant un frisson de dégoût, Léna effleura son bras. Il était encore tiède. Léna abaissa son regard vers les pieds de la jeune femme. Ils étaient tout écorchés. La personne qui l'avait tuée l'avait tirée par les bras, ses pieds avaient rappé contre le granit. Puis cette même personne l'avait abandonnée, ici il y a moins d'une demi-heure. Ce devait être quelqu'un de très précis et méthodique, car les motifs sur son cou étaient soigneusement tracés.
Meurtre. Assassinat. Homicide. Tant de mots pour qualifier ce crime qui venait d'être commis. Mots qui résonnaient dans la tête de Léna. Meurtre. Assassinat. HOMIDICIDE !
Elle prit soudain conscience de la réalité. C'était un acte prémédité ? Quelqu'un avait tué cette femme de sang-froid. Une larme solitaire perla sur la joue de Léna, et une question lui vint à l'esprit.
Qui ?
Occupée à dégainer son portable coincé dans sa poche pour appeler la police, elle ne remarqua pas la plume posée sur la main de la victime.
Plume que le vent breton emporta rapidement.
*
Son rire résonna désagréablement dans ses oreilles.
Soudain elle l'énervait. Pourquoi l'avait-il invitée ? Certes, elle était jolie, mais..
Il soupira de mécontentement. Assise face à lui, elle continuait de parler avec le débit d'une mitraillette, s'arrêtant juste pour reprendre son souffle et rire. Pourtant, il n'y avait rien de drôle dans ce qu'elle racontait.
A présent, il planait complètement, et n'écoutait plus les propos de sa compagne, qui blablatait toujours. Fausse blonde aux cheveux longs et abîmés par un lissage excessif, yeux cernés par un épais trait de crayon noir, top décolleté imprimé léopard et talons vertigineux, elle possédait un genre assez particulier. Malgré tout elle rayonnait, joyeuse et naïve. Ce qui le gênait, c'est qu'elle possédait une intelligence égale à celle d'un poisson rouge. Il lui avait demandé si elle aimait Van Gogh, et elle lui avait répondu qu'elle ne connaissait pas ce joueur de foot. Bref, cette fille était un véritable cliché, un stéréotype ambulant. Cette comparaison le fit sourire, et la femme lui demanda alors :
- A quoi penses-tu ?
Il détestait qu'on lui pose cette question. Non, décidément, il ne comprenait pas pourquoi il l'avait invitée. Il cherchait une excuse bidon pour s'en aller, quand il eut une idée.
Allons faire un tour dehors, j'étouffe ici !
La femme acquiesça, lui lança un sourire (aveuglant) de toutes ses dents blanches, puis le suivit à l'extérieur du bar. Perchée sur ses escarpins, elle ne marchait pas, elle ondulait.
Elle n'ondulerait plus très longtemps, se dit-il.
De sa main gauche, il caressait une plume logée dans sa polaire, tandis que son index droit frôlait le fil tranchant d'un couteau.
Brusquement, il s'arrêta au milieu de la rue. Son évaporée compagne, pendue à son bras comme une veste à un porte-manteau, glissa, et se raccrocha à lui.
Non, il ne la tuerait pas. Il avait autre chose à faire ce soir, de plus c'était trop risqué, de nombreuses personnes avaient été témoins de leur rencontre. Il eut du mal à refréner l'Envie, ce désir pur et fou qui courrait depuis peu dans ses veines. C'était si simple d'ôter la vie. De tout contrôler. D'être enfin le maître, d'être tout puissant. Invincible. Il aimait être le chef, mettre fin à la complexe et ordonnée mécanique du corps humain. Mais non, pas maintenant. Il fallait attendre, guetter, prévoir. Qu'il avait hâte de goûter au plaisir de traquer sa proie, de voir la peur s'allumer dans ses yeux à la vue de son arme, l'étonnement de la victime quand il posait une plume sur sa main, puis la souffrance quand il gravait des mots en russe sur sa peau. «Птица вылетает», «'oiseau a prit son envol ».
Il s'arracha violemment à l'étreinte de la blonde, qui s'étala de tout son long sur les pavés humides de Lannion. Puis, il disparut à grandes enjambés.
Le patron du bar sortit alors, et lança à la jeune femme :
Eh ! Vous ! Oui, vous ! Je vous vois venir...N'oubliez pas de payer l'addition !
*
Paresseusement étendue sur le canapé, Léna lisait. Le silence était régulièrement brisé par le ronronnement d'un gros matou roux, roulé en boule sur les jambes de la jeune femme. Elle avait passé la journée seule, au calme, pour se remettre de ses émotions de la veille. Un sourire flotta sur ses lèvres. Trouver un cadavre sur une plage, ce n'est pas un loisir courant. Elle attrapa l'objet le plus proche (un crayon gris à la mine pointue : elle aimait que ses crayons gris soient bien taillés, c'était une habitude étrange, qui, selon certaines personnes, montrait le perfectionnisme dont elle faisait preuve.) pour marquer sa page, puis elle alluma la télévision. Tandis que le générique du journal de 20h défilait sur l'écran, elle grattouilla le chat sur la tête.
« - Tu n'as pas de soucis toi au moins...Tu ne te rends pas compte de ta chance : tu es nourri, logé, et câliné. C'est beau d'être un chat !
Elle reporta son attention sur la télé. « Femme retrouvée... » Elle changea de chaîne. « Drame à Tresmeur ». Elle zappa de nouveau. « Étranges motifs... »
Évidemment, il fallait s'y attendre, la presse avait été avertie. Le meurtre d'Anna Juvo, (car la victime avait été identifiée) faisait la une de tous les journaux, et était présent sur toutes les chaînes télévisées. Léna éteignit la télé. Au même moment, la sonnerie du téléphone retentit. Son cœur s'accéléra brutalement. Nathaniel ! Elle bondit du canapé, délogeant le chat qui émit un miaulement de protestation.
-Allô ? Oui, et toi ?... Rien de spécial, j'ai lu. Pas ce soir ?... Pourquoi ?...Trop de travail, oui je comprends. A demain alors ? OK, je...
Léna hésita un instant, puis se ravisa. Pas maintenant, c'est trop tôt. Ces deux mots étaient trop important pour être utilisé à présent.
-Non, rien. Bonne nuit...
Elle pressa le bouton rouge, puis contempla tristement le téléphone. Elle aurait aimé le voir. Tant pis, elle allait regarder un film, en mangeant du chocolat. Drôle de substitut à son petit ami. Est-ce qu'elle pouvait l'appeler comme ça ? Est-ce qu'il méritait qu'elle l'appelle ainsi ? Peut être devrait elle dire « mon copain » ou alors, « mon ami » ?
Et si ce n'était pas du travail qui le retenait chez lui, mais une fille ? Une fille qui n'a pas peur de lui parler du passé, une fille qui évoque des souvenirs joyeux, une fille qui dit oui, pas une fille qui s'échappe quand il veut en savoir plus, quand il veut aller plus loin, roseau qui plie sous le vent.
Le chat se planta devant elle et lui adressa un regard accusateur. S'il avait pu parler, il lui aurait sûrement dit :
-Arrête de t'en faire pour rien. Vis au jour le jour ! Vas de l'avant, et surtout, ose !
Elle allait suivre son conseil.
Léna revêtit son manteau, attrapa les clés de sa voiture, et sortit précipitamment. Le vent glacé s'engouffra dans le salon, et fit fuir son félin conseiller.
*
La dernière fois, tout s'était déroulé comme dans un rêve. Un grand calme avait envahit sa tête, faisant enfin taire les souvenirs. Cette fois-ci, rien ne marchait comme prévu. Tout lui échappait. Il n'avait pas réussi à l'assommer du premier coup, si bien qu'elle lui avait lancé un coup de pied mal placé. Il était resté quelques secondes à se tordre de douleur à terre, avant de se relever et de la courser. Elle ne courrait pas bien vite, et de toute façon c'était une impasse. Il l'avait rapidement rattrapée, puis embarquée dans sa voiture pour l'amener jusqu'à la plage. Il avait, après mûre réflexion, décidé de la laisser là.
Un gémissement interrompit le cours de ses pensées. Il regarda la femme qui s'était réveillée.
-Que me voulez-vous ? S'il vous plaît, laissez-moi, laissez-moi ! Pitié... Laissez-moi partir où j'appelle les flics, dit-elle.
-Vous ne pouvez pas, vous êtes attachée, lui répondit-il calmement.
Elle essaya de bouger ses poignets. Malheureusement pour elle, ils étaient liés par une corde qui entaillait sa peau. Paniquée, elle se mit à crier.
Le cri résonna dans ses oreilles.
-Fermez-la !
La femme se tut, et commença à sangloter. Elle était dans un bel état, les cheveux en bataille, une bosse sur le crâne, un talon cassé et les poignets en sang à cause de la corde.
Il soupira.
-Pourquoi je suis attachée ? Vous comptez me faire quoi ? Abuser de moi ou me tuer ?
-Vous êtes attachée parce j'ai besoin que vous le soyez. Je ne compte aucunement abuser de vous. C'est de votre faute.
- Qu'est ce qui est de ma faute ? Vous croyez que je suis contente d'être là ? Alors vous allez me tuer ?
Il ne répondit pas, et s'agenouilla à ses côtés. Il sortit de sa poche un objet qu'elle ne réussit pas à identifier, jusqu'à ce qu'il l'élève au-dessus de sa tête. La lune l'éclaira furtivement, faisant reluire l'acier. Un couteau.
Il lui prit fermement le bras, et entailla la chair tendre.
-Répondez-moi ! Qu'est ce que vous faites ? Salaud, lâchez-moi, vous me faites mal !
Elle grimaça sous la douleur, puis se mit à l'insulter, abandonnant toute politesse, soudain pleinement consciente qu'elle ne verrait plus le jour. Il l'ignora. A l'instant, ce n'était plus une femme, mais un animal apeuré, sauvage, dont l'instinct se réveillait, l'avertissant du danger. Elle essaya de le frapper, mais il évita sans peine le coup, rendu lent par la peur et les poings liés.
-Lâchez-moi, lâchez mo...
Sa phrase fut étouffée par la main que l'homme posa sur sa bouche. Il continuait, inexorablement, de zébrer ses bras d'entailles sanglantes.
*
La jeune femme se gara en soulevant un nuage de poussière. Nathaniel n'était pas chez lui. Il lui avait menti.
Léna actionna la poignée. La porte s'ouvrit en produisant un léger grincement. Ce n'était même pas fermé. Elle pénétra dans la maison.
-Il y a quelqu'un ?
Personne ne répondit.
Elle sourit en pensant que, dans les films d'horreur, les héros posaient souvent cette question. Comme si le tueur qui le guettait allait répondre "Je suis dans la cuisine, tu veux un sandwich ?"
Elle scruta la pièce. De grandes étagères débordaient de livres, remplis à raz-bord. Elle tâtonna à la recherche de l'interrupteur, sans succès. Les volets clos laissaient juste un filet de lumière éclairer la pièce. La jeune femme attrapa un livre et en lut la quatrième de couverture. Le résumé était pour elle l'équivalent du mot « anticonstitutionnellement » pour un étranger qui venait juste de commencer à apprendre le français. Elle reposa le livre à sa place, ouvrit une porte et entra. Cuisine, parfaitement rangée. Elle aurait pu manger par terre tellement c'était propre. Elle fit demi-tour, et se dirigea vers une autre pièce. Son entrée fut salué par des battements d'ailes et des piaillements. Sur deux murs s'étendaient des petites cages, remplies d'oiseaux. Des perruches ondulées, des canaris, des diamants de gould, il y en avait de toutes sortes.
Elle longea un couloir, entra dans une pièce. C'était sa chambre. Le lit était défait, une chemise, un pantalon et une veste traînaient sur une chaise. L'armoire était grand ouverte, des vêtements tombaient de leurs cintres, comme si il avait cherché quelque chose puis était parti précipitamment.
Léna s'avança vers le bureau. L'ordinateur était allumé ! Non, elle ne pouvait pas faire ça. Elle allait sagement aller l'attendre dans le salon.
Mais la tentation était trop forte. Après tout, il lui avait menti. Léna s'assit sur la chaise, et fouilla dans l'historique. Qui sait ce qu'elle y trouverait ? Ses doigts volaient sur les touches, quand elle entendit des cris d'oiseaux, puis le bruit de freins sur les gravillons. Elle eut juste le temps de consulter l'historique. Elle y trouva uniquement des sites connus, à part un forum étrange, répondant au nom de « qui nécessitait un mot de passe. Qu'est-ce que ça pouvait bien être ?
*
Nathaniel se gara devant la maison avec l'adresse de l'habitué qui effectue cette manœuvre plusieurs fois pas jour. Il n'aperçut pas immédiatement la voiture. Il était serein, presque joyeux. Il se mis à fredonner une chanson dont les paroles le marquait.
How long must we sing this song? How long? How long?
Il s'interrompit en remarquant la minuscule Twingo grise garée devant la vieille maison.
Léna ?
Son cerveau s'activa, il lui fallait trouver une excuse. Il était passé maître dans l'art de mentir, elle ne se douterait de rien. Il rebroussa chemin, fouilla sous le siège passager de son véhicule (sa poubelle, il jetait tout là-dessous), et attrapa ce qui lui tombait sous la main. Ses doigts effleurèrent quelque chose de gluant, (qu'est-ce que ça pouvait bien être ?) puis un plastique collant, avant de s'emparer d'un objet doux et flétri. Il sortir sa main de l'ombre pour découvrir...Une endive. Une endive ? Une endive en mai ? Depuis combien de temps traînait-elle là ? Il était temps de ranger. Vraiment.
Il marcha vers la vieille bâtisse. Il poussa la porte au bois élimé, puis entra.
Léna attendait, assise entre deux ressorts sur un canapé miteux, les bras croisés.
-Qu'est ce que tu fais là ?
-Quand on est poli, on dit d'abord bonjour.
Aïe, elle était vraiment en boule.
-Bonjour.
Il posa furtivement ses lèvres sur les siennes, puis se recula.
-…
-Je suis allé acheter une endive au supermarché...J'avais envie d'une salade.
Il tressaillit devant le regard foudroyant que la jeune femme lui adressa.
-Tu te fous de moi ?
Merde. Merde ! Se rattraper, trouver une idée, et vite.
-J'ai pris celle qui venait... J'étais pressé de rentrer pour travailler.
-La saison des endives c'est en mars. Pas en mai.
-Il a fait tellement froid que ce n'est pas un souci.
Le regard de Léna se radoucit. Ouf, sauvé...Pour cette fois.
-Comment es-tu rentrée ?
-J'ai pété une fenêtre, fit-elle, un sourire moqueur plaqué sur les lèvres. Mais non, je suis passée par la porte, comme tout le monde ! Tu devais en avoir sérieusement envie de ta salade, pour oublier de fermer en partant !
-Ah...
Naturellement, elle se dirigea vers la cuisine, fouilla dans plusieurs placards, dénicha un saladier, deux tomates, des noix. Devinant sa pensée, il sortit une planche à découper, des couteaux, de quoi mettre la table.
-J'ai fait la connaissance de ta ménagerie...C'est joli toutes ces couleurs.
-J'aime les oiseaux. Alors quoi de plus naturel que d'en élever ?
-Faut que tu me les présente en bonne et du forme. Ils ont des prénoms ?
-Plutôt des numéros, à part mes favoris bien sûr.
-Parce qu'il y a des chouchous en plus ?
A présent ils mangeaient la salade mensongère, assis sur les chaises froides, devant la table en bois abîmé, rayée par le passage de multiples objet, porteuse de longues balafres gravées dans le chêne (cicatrices de guerre ?).
Nathaniel scruta le visage de Léna. Son cœur se serra. C'est la première fois qu'il ressentait cela pour une femme. Léna était un paradoxe vivant. Son paradoxe.
Des cheveux couleur aile de corbeaux, légèrement ondulés, épais et sombres, encadrant un petit visage ovale taillé à la hache, aux angles cassants qui lui donnaient un air sauvage. De grands yeux à la couleur indescriptible, gris, verts, avec des nuances fauves près de la pupille et des paillettes d'or, qui mangeaient son petit visage. Ses yeux clignaient souvent, observaient tout et vous transperçaient, paraissaient lire en vous, semblaient distinguer chaque parcelle de votre âme. Des yeux dans lesquels on évite de plonger son regard, que l'on affronte pas. Un nez de taille moyenne, et une bouche charnue qui paraissait minuscule, tant ces yeux étaient grands. Des mains qui papillonnaient à chaque parole, aux longs doigts, un poignet minuscule aux os fins. Un grain de beauté sur la joue, un au-dessus du sourcil droit, et un autre qui le narguait dans la nuque. Un rire de petite fille piégé dans ce corps de femme. Corps mince et souple parfois, dur et cassant là où les coudes saillent, où les clavicules accentuent la minceur, où les os des hanches sont trop visibles. Presque trop mince, si bien qu'il aurait peur de la casser. Avec ça un caractère changeant, assorti au physique. Elle pouvait faire preuve d'une colère incontrôlable et l'instant d'après, fondre en larme en se rendant compte des dégâts causés par cette rage sourde. Elle pouvait être tendre et douce, tenter puis repousser, se dévoiler puis ne plus parler du passé pendant plusieurs jours. Elle écrivait, puis elle effaçait. Arrête Léna, arrête d'effacer...
-Pourquoi tu me regardes comme ça ?
-Tu es belle.
Elle s'attendait à tout sauf à cette réponse. Un étonnement total se lisait sur son visage. Elle avait un charme particulier, avec cet air à la fois fragile et dur, mais il était attiré par elle comme un aimant l'est par le métal. Il avait envie d'être toujours à ses côtés, de la voir, de la toucher. Il...l'aimait ?
Sentiment nouveau pour lui. Il n'avait jamais connu ça.
Nathaniel se pencha vers la jeune femme, toute réserve disparue, et posa sa bouche sur la sienne.
-Léna...Je t'aime.
*
De multiples pensées déferlèrent dans l'esprit de Léna. C'était un innommable bordel dans son crâne. Il lui semblait que ses neurones dansaient la salsa, que son cœur jouait à chat avec ses intestins. Elle en fut toutes retournée pendant quelques instants. C'était...Woaw.
Un peu plus et elle aurait pu se croire dans un film de Walt Disney dégoulinant de mièvrerie et de tendresse, où tout est bien qui finit bien, où le grand méchant est puni et l'adorable princesse heureuse. Beurk. On oublie de dire aux petites filles que le cheval blanc se casse régulièrement la jambe et que le soigner coûte cher, que le prince est un coureur de jupon quitte Blanche-Neige pour la méchante belle-mère, et surtout que le prince n'est pas toujours celui que l'on croit. Rien n'est tout beau, tout blanc tout gentil, rien n'est tout noir, tout méchant, tout horrible. Le monde est juste fait de milliers de nuances de gris.
Et personne n'est parfait. On ne le sait pas, mais la princesse est peut être amoureuse de l'un des sept nains. Peut-être aussi qu'elle a des boutons, un nez trop grand, des yeux trop petits et des sourcils trop épais. La perfection n'existe pas, quoi que Blanche-Neige dise.
Nathaniel était ponctuel, galant juste ce qu'il faut, gentil, intelligent sans aucun doute, ni pauvre ni riche, cultivé, ni macho ni paresseux. Il avait en plus ce charisme qui fait qu'un sourire vous bouleverse, et le mystère qui régnait sur son passé et sur sa vie en général l'attirait.
Ce n'était pas possible, il devait bien avoir un défaut !
Il était trop parfait pour être réel... Juste pour être sûre, elle le pinça. On ne sait jamais.
-Aïe ! Qu'est ce que tu fais ?
-Je voulais juste vérifier que tu existais vraiment...C'est trop beau pour être vrai !
-J'embrasse si bien que ça ?
Ils rirent à l'unisson, mais le rire de la jeune femme se brisa à l'instant où Nathaniel lui ôta son pull et caressa son dos. Le prince avait-il des intentions...moins innocentes ? Il était temps de l'arrêter là.
A moins que...
Non, non, tais-toi Léna. Ne dis rien, c'est trop agréable. Chut, chut, chut. Alors la petite voix de la raison se tut, et les mains continuèrent leur œuvre. Elle atteignirent bientôt une zone pâle et bosselée, quittant le satin de la peau dorée. Une cicatrice ?
-Qu'est ce que...fit-il.
-Rien. Ce n'est rien.
Il ne posa pas de questions, de peur de briser l'instant présent.
*
Le soleil du matin entra par la fenêtre et réveilla Léna. Elle ouvrit difficilement les yeux, et sourit en apercevant Nathaniel endormi à ses côtés. Le prince charmant était encore dans les bras de Morphée...
Elle repoussa la couette, pose ses pieds à terre. Ses poils se hérissèrent sous la caresse du froid, un frisson glacial courut le long de sa peau nue. Elle se leva, et enfila des chaussons beaucoup trop grands pour elle. Taille 43 alors qu'elle chaussait du 38. Comique, elle allait marcher comme un canard. Elle revêtit ses vêtements de la veille, et farfouilla à la recherche de ses clés. Envie de pain frais tartiné de Nutella. Bonheur des papilles en perspective. Elle sortit sans faire de bruit, referma la porte derrière elle, sourire jusqu'au oreilles. Elle était heureuse, enfin.
Elle attrapa une polaire marron très laide, pour se protéger du froid. Pas très esthétique, mais au moins elle aura chaud. Le soleil a beau briller de toutes ses forces, il y a toujours un vilain petit vent qui souffle le matin.
Elle entra dans la boulangerie, et renifla la bonne odeur de pain frais. Miam. La jeune femme ressortit, deux baguettes croustillantes et farineuses sous le bras. Elle fourra la monnaie dans sa poche, se dirigea vers la maison de la presse. Elle aimait bien lire les nouvelles du jour. Assise dans la voiture, elle déplia le journal qu'elle venait d'acheter, avant de laisser échapper un juron en découvrant la une.
« L'oiseau tueur a encore frappé »
Ainsi ce n'était pas un crime passionnel isolé. Un malade mental courrait en liberté sur les plages trébeurdinaises et provoquait la police en abandonnant sa pauvre victime non pas sur la plage de Tresmeur cette fois-ci, mais à Goas Trez. Ça donne envie d'aller pêcher des palourdes tout ça, pense-t-elle.
En effet, à Trébeurden, il y a quatre plages. Tresmeur, où les habitués et les touristes se retrouvent, Goas Trez pour la pêche aux coques ou la pêche aux palourdes, Pors Termen quand le vent du nord souffle, ainsi que Pors Mabo, pour les gens solitaires.
Un meurtre pour chaque plage ? C'est le même tueur, c'est encore une femme avec un mot gravé dans la chair. « Птица была там », « l'oiseau est passé par là ». Énigmatique. Une plume avait également été retrouvée, coincée dans les cheveux de cette pauvre femme. Les journalistes prétendaient que c'était un crime parfait. Pas d'ADN, pas de témoins. Aucuns indices. Ils savaient juste que c'était un homme.
Cela la dégouttait qu'un tel monstre soit en liberté. Peut-être l'avait-elle même déjà rencontré, sans savoir qui il était. Elle souhaitait vraiment qu'il se retrouve sous les barreaux.
Comment fait-il pour faire taire sa conscience, et ignorer les remords, se dit elle ?
Si remords il y avait.
*
Léna enleva la polaire et la jeta négligemment sur le canapé. Elle remplit la gamelle du chat, avant de foncer dans sa chambre. Elle sortit une valise d'un placard, attrapa quelques vêtements dans son armoire, saisit des livres, et balança le tout à l'intérieur. Trop pressée pour bien plier. Trop hâte de revoir Nathaniel...
Nathaniel... Brun, des yeux en amande couleur ambre, qui la contemplait tendrement. Nathaniel, aux bras réconfortants qui lui donnaient l'impression d'être en sécurité.
Ses pensées furent interrompues par le gargouillement de son estomac. Deuxième constatation anti-Disney : on ne peut pas vivre d'amour et d'eau fraîche.
Elle ferma la valise, et se précipita dans le salon. Elle chercha ses clés du regard. D'habitude elle les posaient...N'importe où en fait.
Elle chercha un peu partout, avant de s'emparer de la polaire de Nathaniel et d'en fouiller les grandes poches. Elle la portait en sortant de la voiture, elle avait peut-être fourré les clés dedans...
Impatiente, elle secoua la polaire. Des pièces tombèrent en tintant (la monnaie du pain!), bientôt suivies par un emballage de chewing-gum et une plume. Une plume ? Elle fouilla l'autre poche, secoua le vêtement dans l'autre sens. Ses clés tombèrent, ainsi qu'un couteau.
Un couteau ? Une plume ?
Non, non.
L'oiseau tueur...
Pitié, non. Non, pas lui. C'était une erreur. Un cauchemar peut-être.
Tu aimes un tueur...
Léna ouvrit les yeux, mais le couteau et la plume gisaient toujours à terre. Elle les attrapa pour les examiner de plus près. La plume était d'un jaune délicat. Une plume de canari. Le couteau, lui, était parfaitement propre.
Après tout, il pouvait bien garder un couteau dans sa poche pour se défendre. Et la plume était peut-être un souvenir. Une émouvante relique.
Un point d'un rouge presque noir attira son œil sur l'objet. Dans le petit creux entre la lame et le manche, une goutte de sang coagulé.
Plus de doutes cette fois, plus d'excuses.
Léna s'effondra au sol, et se mit à sangloter. N'aurait-elle donc jamais droit au bonheur ? Pourquoi fallait-il toujours qu'elle tombe sur la mauvaise personne ? Pourquoi ? Pourquoi ?!
Des larmes roulèrent sur ses joues, perles de tristesses, avant de s'écraser au sol, mouillant la petite plume. La jeune femme l'attrapa et la lança vers le mur. Elle retomba tristement à terre sans même le toucher. Elle lança alors le couteau rageusement. Il griffa la tapisserie et tomba avec un tintement métallique. Elle suffoquait, étouffait dans ses larmes, anéantie. Alors il ne l'aimait pas vraiment ? Elle était juste une future victime, trophée de chasse parmi tant d'autres. Vu son minois et son charme dont il usait et abusait, toutes les femmes devait être à ses pieds.
Ses larmes redoublèrent, et elle se roula en position fœtale sur le lino froid. Dégoût, amour, tristesse et regrets se mélangeaient. Elle se traîna ensuite jusqu'aux toilettes, où elle rendit tout son petit-déjeuner. Elle n'était plus que le pâle reflet de la Léna heureuse de ce matin. Ses cheveux emmêlés semblaient à présent gris dans la lumière blafarde des néons, et elle était livide. Elle s'assit sur la cuvette dont elle avait fermé l'abattant, puis pris sa tête entre ses mains. Elle recommença à pleurer. Qu'allait elle faire à présent ?
Un miaulement brisa le silence, bientôt suivi par un doux ronronnement. Le chat.
Elle le serra dans ses bras, un peu trop fort à son goût, car il se dégagea et s'enfuit en courant.
Même le chat ne l'aimait plus.
C'était la fin des haricots.
*
Pas de chance pour lui, elle habitait au deuxième étage d'un petit immeuble. Coup de chance, elle était chez elle.
Nathaniel hésitait. L'ascension serait difficile, peut-être douloureuse, mais pas impossible. Il cala ses pieds dans les interstices du mur et se hissa, étreignant la gouttière. Celle-ci gémit sous son poids et ploya dangereusement. Il ne se laissa pas décourager, monta plus haut, toujours plus haut. Enfin, il s'accrocha au balcon, et roula sous la barrière en verre.
Un mois qu'elle n'avait pas donné de signes de vie. Un mois qu'il avait passé seul, entre ses oiseaux, ses livres, ses doutes et ses démons. Et, accessoirement, ses collègues de travail.
Il distinguait vaguement sa silhouette derrière le rideau blanc, mais cela lui suffisait. Il voulait juste s'assurer qu'elle était vivante. Un accident de voiture, c'est si vite arrivé !
Rasséréné, il entreprit de descendre par le même chemin. La descente est toujours plus dure que la montée, se rappela-t-il. La gouttière grinça une nouvelle fois, et se décrocha. Des branches craquèrent, il se prit des fleurs dans la figure, puis, enfin, ses pieds touchèrent le sol. Juste à temps. Dans un réflexe surhumain, il attrapa la gouttière et amortit sa chute.
Il se dégagea du massif d'hortensia dans lequel il avait atterrit, frissonnant sous la morsure du vent. Il ne trouvait plus sa polaire.
Des branches craquèrent et il retint son souffle. Le silence régnait. Il se mit à courir, jetant de temps à autre un coup d’œil derrière lui. Tout à sa peur d'être découvert, il ne vit pas la masse sombre qui se dressait devant lui.
Il heurta la poubelle de plein fouet. Elle s'écroula sous l'impact, expulsant le sac poubelle. Un objet pointu le transperça, les ordures se dévidèrent sur le bitume.
Quelle ne fut pas la surprise de Nathaniel de découvrir son couteau émergeant de la gueule béante du monstre de plastique.
Les pièces du puzzle s'assemblèrent...
Les cheveux soulevés par le vent, elle marchait. La promenade était déserte, on aurait dit une ville, ou plutôt, une plage fantôme. Les couleurs lui semblaient tristes et délavées. Le vent emportait du sable qui fouettait ses jambes nues. Cet environnement d'habitude si familier était aujourd'hui presque agressif. Une chaleur moite et collante régnait, prémices d'un orage printanier.
Le mauvais pressentiment qui l'avait atteinte deux mois plus tôt enserra à nouveau sa poitrine d'une main de fer. A présent elle étouffait sous le ciel bas, il lui semblait entendre des pas derrière elle, elle sentait la piqûre brûlante d'un regard sur sa nuque. Son cœur se serra un peu plus.
« Tu deviens complètement parano. Complètement folle. Continue de marcher, tu rêves, tu rêves, tu rêves, tu rêves, ce n'est rien, ce n'est rien. »
Mais la sensation persistait, augmentait, et, n'y tenant plus, elle se retourna.
Elle ne rêvait pas. Il était bien là, derrière elle, un sourire avenant plaqué sur ses lèvres. Ce sourire... Il n'atteignait pas ses yeux, qui restaient froids, durs, emplis d'une lueur qu'elle n'avait encore jamais vue.
« - Léna...
Que faire ? L'ignorer ? Fuir ? Il courrait plus vite qu'elle, il aurait vite fait de la rattraper. Lui parler ?
-Tu sais que tu m'as manqué...Ce n'est pas très poli de laisser des gens qu'on aime sans nouvelles...Sans rien...pendant un mois. Tu te rends compte ? C'est long un mois, ça laisse le temps de réfléchir...de planifier....
Elle paniqua.
-Laisse-moi ! Disparais ! Disparais de ma vie ! Je ne veux plus te voir. Après ce que tu as fait...Je ne pourrais même plus te regarder dans les yeux, lui cracha-t-elle.
Tu en es sûre ?...
Avec un mouvement félin, qu'elle ne put arrêter, il attrapa son menton, forçant ses yeux à se plonger dans les siens, enserrant cruellement son poignet dans son autre main.
Ce regard la glaça littéralement. L'éclat chaud de ses prunelles noisettes n'existait plus. Rien que ce regard glacial, qui l'étouffait, la broyait.
-Léna...répéta-t-il d'une voix mielleuse, ma chère, ma tendre petite Léna...Si faible, si fragile...
Elle sentit quelque chose de froid contre son cou, un éclat bleuté l'aveugla.
-Tu cries, j'appuie. J'appuie, tu meurs, susurra-t-il d'une voix suave, juste à côté de son oreille.
Un couteau.
Elle ravala le hurlement qui montait dans sa gorge. Il la poussa légèrement, la main fermement ancrée sur l'arme.
Avance.
Et elle avança, tandis que son esprit tournait à cent à l'heure. Elle le pensait tout à fait capable de la tuer. Même si elle criait, personne ne l'entendrait. Ses pas s'enchaînaient, tandis qu'elle priait pour que quelqu'un, de préférence fort, arrive et remarque leurs comportements anormaux. Elle ne pouvait pas se soustraire à son étreinte, il était plus grand, et sans aucun doute plus fort qu'elle. Aucun échappatoire possible.
Ils descendirent un escalier, marchèrent un moment sur le sable humide, puis il l'entraîna sur les rochers. Elle peinait à avancer, collée à lui. Il arrivèrent bientôt dans une petite crique, à l'abri des éventuels regards.
-Qu'est-ce que tu vas faire de moi maintenant ? Tu vas me tuer ? Comme les autres ? Dit-elle. Le crime parfait n'existe pas. Alors arrête. On peut se tromper une fois, deux fois, trois fois. Mais il faut savoir reconnaître ses erreurs. C'est ça l'intelligence, la vraie. Stoppe tant que tu peux encore !
Elle avait tenté de faire passer à travers sa voix toute la force et la détermination qui l'habitaient encore. Peine perdue.
-Je n'ai rien à perdre. Absolument rien. Alors rien ni personne ne m'arrêtera
-Tu arrives à dormir la nuit ? Tu arrives à les faire taire les remords ? A étouffer ta conscience ? Ou est-ce que tu es juste un monstre sans cœur ? Et puis pourquoi ? Pourquoi tuer des femmes innocentes ?
-Je suis un monstre. Le meurtre, c'est une drogue, une drogue pure et dure, dont je ne serais plus jamais sevré.
-Je pensais que tu....
Les mots restèrent bloqués.
-Tu pensais que je t'aimais ?
Il approcha son visage du sien, si près qu'elle eut un instant la fugace espérance qu'il allait l'embrasser, que tout cela n'était qu'un cauchemar, un mauvais rêve. Qu'elle se réveillerait dans une vie parfaite. Il la plaqua contre le sable, le couteau toujours contre sa peau.
-Et bien tu t'es trompée.
Choquée, elle oublia un instant sa position de victime pour lui lancer une gifle. Elle profita de la seconde d'inattention qui suivit pour le repousser et s'éloigner tant bien que mal, des larmes roulant sur ses joues. Nathaniel jura entre ses dents, avant de la rejoindre. Il l'attrapa et bloqua ses poignets à l'aide de son bras libre, la joue marbrée de rouge.
-Tu pensais vraiment que je t'aimais ? Je suis un monstre Léna. Un monstre. Je suis incapable d'éprouver des sentiments pour quiconque ! Je vais te tuer !
-Je m'en fous. Parce que moi, je t'aime, dit-elle
-Ah oui, vraiment, et pourtant je te dégoûte ? C'est contradictoire comme sentiments...Et là, tu m'aimes encore ? Tu ne me détestes toujours pas ? Fit-il en traçant une sanglante balafre sur son bras, presque délicatement, de la pointe de son arme, comme un peintre appliqué sur sa toile.
Elle gémit, et tenta de se dégager. Elle lutta, le sang dégoulinant sur son chemisier, poisseux et chaud.
-Tu me déteste maintenant ? Ça y est ?
-Non, non, non, nooo...
Sa voix s'éteignit tandis qu'il l'écorchait une nouvelle fois.
*
Elle le regardait avec une expression si tendre. Elle avait l'air si fragile à présent qu'il aurait aimé l'épargner. Elle l'aimait. Elle pouvait le sauver. Elle voyait en lui plus que le monstre, elle discernait la lumière sous la noirceur. Si faible...
Elle mord sa lèvre inférieure, dans une mimique adorable qui la fait ressembler à une enfant, tentant d'empêcher ses larmes de couler. Si faible...
Non. Elle le déteste. Elle le hait. Elle est dégoûtée par lui. Comme tout le monde. Personne ne le comprend. Personne ne comprend cette pernicieuse douleur qui s'insinue au creux de son être. Personne.
Le sang, son sang, si rouge, si rouge, le faire couler encore, encore, c'est tellement simple d'ôter la vie, le sanglesanglesangleslarmeslesang.
Contrôle. Agit. Calmement. Ne laisse pas ton passager noir gagner.
Mais...
Ne lui a-t-elle pas caché des secrets elle aussi ? Cette cicatrice... Il n'aime pas les secrets.
*
-D'où elle vient, cette cicatrice ?
La cicatrice. Cette immonde marque qui partait de son omoplate droit et courrait jusqu'au bas de son dos, qu'elle cachait tant bien que mal, qui la dégoutait.Une terreur sans nom s'empara d'elle. Son esprit fléchit, basculant entre passé et présent. Son visage se mêlait à celui de Nathaniel, les traits se superposaient. Elle pourrait toujours essayer d'oublier, son passé revenait toujours en courant, jamais il ne restait enfoui bien longtemps. Ses mains tremblaient, une terreur sans nom s'emparait d'elle. Elle pris sa tête entre ses mains, respirant par saccades, sanglotant, tentant d'effacer son visage. Elle en avait assez. Assez de crouler sous le poids des souvenirs, assez d'être comme marquée au fer par cette balafre, lassée de ses galères amoureuses, des fins de mois difficiles. La chance devait tourner. La vie n'est quand même pas si cruelle ?
« Vie violence, ça va de pair ; les deux se balancent, paradis enfer ».
*
-Alors !?
Elle ne répondit toujours pas, elle tremblait, enserrant ses jambes de ses bras, se balançant doucement au rythme d'une inaudible chanson, ses cheveux masquant son visage. Il voyait juste ses larmes qui, goutte à goutte, tombaient sur le sable.
-C'est si dur que ça à dire ?!
Elle leva les yeux sur lui. Il y avait un tel mépris dans ce regard... Elle se mit debout, pour mieux lui hurler au visage :
-OUI !
Il eut un mouvement de recul, trébucha sur un galet et tomba en arrière.
*
Aussitôt, elle courut. Elle courut comme elle ne l'avait jamais fait, avec le vent, avec le cœur, avec les tripes. Elle entendait juste ses pieds contre les roches, ripant, glissant parfois, et sa respiration. Inspire, expire, inspire, expire. Elle voyait la promenade proprement dallée se rapprocher de plus en plus.
« Tu y es presque Léna, vas-y encore un effort ! »
Sa cheville se tordit et elle s'étala sur le granit. Elle voulut se relever, mais elle entendait déjà le claquement des pieds de Nathaniel sur les pierres se rapprocher.
Léna se traîna, tantôt marchant, tantôt rampant, tantôt courant jusqu'à son rocher. Quitte à mourir, autant mourir ici. Jusque dans son dernier souffle elle ferait corps avec la mer, son dernier regard serait pour ce paysage qu'elle aimait tant. Debout face au ciel et à la mer, le sang dégoulinant toujours de sa plaie, elle se sentit vivante pour la deuxième fois en deux mois. Des mains puissantes, pleines de tension se posèrent sur ses épaules.
-Léna...Cette fois, c'est la fin.
Il pressa furtivement ses lèvres contre sa coupure, puis plaqua la lame contre sa gorge.
Léna usa de ses dernières parcelles d'énergie pour le repousser. Il vacilla, lui adressa un regard indescriptible, et se laissa tomber, sous ses yeux, se destinant ainsi à une mort certaine.
*
Elle eut un réflexe qui sauva la vie de Nathaniel : elle se jeta au sol et attrapa son poignet. Elle crut que la secousse qui suivit allait lui arracher le bras, mais elle tint bon, calant ses pieds dans les anfractuosités de la roche et raffermissant sa prise. Deux choix s'imposaient à elle. Soit elle lâchait, soit elle tenait. Si elle lâchait, Nathaniel mourrait certainement, en s'écrasant sur les pierres quelques mètres plus bas, et elle vivrait avec un homicide involontaire sur la conscience. Soit elle elle tenait, mais elle finirait de toute façon par le lâcher, tombant avec lui car étant elle aussi dans une position précaire.
-Léna ?
-Oui ?
-Lâche-moi, dit-il, l'air déterminé.
Il était apparemment parvenu à la même conclusion qu'elle. Comment pouvait-il décider de la sauver à présent alors qu'il était près à la tuer quelques instants plus tôt ? Il était vraiment...déroutant, voilà déroutant, mystérieux et sérieusement atteint.
-Je ne te lâcherais pas.
Il se tut, réfléchi un instant puis répondit :
-Alors c'est ça, le moment où, dans les films, les héros s'avouent tout, se pardonnent et sont miraculeusement indemnes ?
-Si seulement la vie était un film...On pourrait effacer, couper, ré-enregistrer...fit-elle du tac au tac.
-Tu ne m'as toujours pas dit, pour...
Il n'acheva pas sa phrase. Elle respira un grand coup, les larmes lui montèrent de nouveau aux yeux mais elle les ravala. Ses deux bras la faisait souffrir, il fallait qu'elle se dépêche. En parler la libérerait-elle ?
-Il y a un peu plus d'un an, j'étais avec quelqu'un d'autre. Je l'aimais, et il m'aimait aussi je pense. Au premier abord, c'était un garçon brillant, attentionné, drôle et charmeur, doté d'une sensibilité exacerbée et d'une touchante fragilité. Célèbre architecte, les commandes coulaient à flots et l'argent ne manquait pas. Il avait tout pour lui.Au bout de quelques mois, on a emménagé ensemble, et c'est là que l'enfer a commencé. Il était d'une jalousie excessive, il voulait tout contrôler. Il me fliquait, lisait mes SMS, mon courrier, me demandait toujours où j'allais, avec qui, quand, à quelle heure. Nous nous sommes beaucoup disputés à ce propos, il disait parfois des choses horribles sur le coup de la colère, s'excusant une fois calmé. Jusqu'au jour où il m'a frappé pour la première fois. Il a recommencé régulièrement, dès qu'il estimait que je le méritais. Je n'osais rien dire, je n'osais pas partir, de peur qu'il me retrouve et se venge. Il m'étouffait, me grignotait peu à peu. Mes proches ne se doutaient de rien, ils l'adoraient, forcément, il usait de son charme pour les embobiner, les aveugler.
Elle se tut un instant, repris son souffle. Nathaniel était toujours muet.
-Il était de plus en plus violent. Un jour, alors que je luttais pour me protéger, il m'a poussée sur la table du salon. C'était une table en verre. Un éclat s'est planté dans la peau de mon dos et l'a entaillée sur toute sa longueur. Il n'a pas voulu m'amener aux urgences. Ayant quelques « connaissances en médecine », ce dont je doutais fortement, il m'a soignée. Mal sans doute, car ma cicatrice n'a jamais disparue. J'avais tout le temps peur. Je n'étais plus la même. Une autre fois, il a menacé de sauter par la fenêtre. Je lui ai tout craché à la figure, que je le détestais, que j'allais le quitter, pleins de choses horribles qu'il méritait amplement. Il a sauté. J'avais l'impression que c'était ma faute, et plus je voyais cette cicatrice plus je me haïssais. La mort fait peur aux gens, mes prétendus amis, déjà lassé de mon comportement étrange, m'ont délaissée. J'ai tout plaqué, et suis revenue ici, où j'habitais étant plus jeune.
-Et tes parents ? Demanda-t-il
-Ils n'ont jamais su la vérité. Je ne les ai pas vus depuis. De toute façon, ils ne m'auraient pas crue, ils l'encensaient !
-C'est terrible.
-Tu l'as dit... Je n'ai eu aucun contact avec la gent masculine après. J'étais à la limite de la paranoïa, voyant le mal partout, me dérobant au plus petit contact, vivant uniquement pour mon travail. Si on peut appeler ça vivre. Je vivotais, je survivais. Voilà, tu sais tout. A moi de te poser des questions maintenant.
Elle le vit déglutir lentement.
-Pourquoi ces mots en russe, sur tes proies ?
-Je suis bilingue, ma mère était originaire de Russie. Et puis, tous les « serial-killer » ont une signature...
-Charmant. Et la plume ?
-Je suis un passionné des oiseaux, en plus cela contribuait à semer le doute dans l'enquête de la police. Je n'ai jamais mis deux plume provenant du même oiseau ou de la même espèce, jamais laissé de trace ou d'ADN. Je portais des gants.
La douleur s'emparait d'elle, ses dernières forces la quittaient peu à peu.
Un battement d'ailes leur fit tourner la tête. Un goéland, l'air crâne, s'était posé sur un rocher en contrebas. L’œil rond et brillant, il les fixait. Il ouvrit bientôt son bec pour pousser son fameux cri qui déchira leurs oreilles. Léna vit alors le rocher. Mais bien sûr, le rocher !
-Tu vois le rocher ?
-Je ne vois que ça depuis tout à l'heure...On commence à se connaître lui et moi.
-Mais non, pas celui-là, l'autre, en dessous, où la mouette est perchée !
-Et ?...Tu veux que je saute ? Non merci.
-Si je te faisais prendre de l'élan, tu pourrais ?
Elle pouvait presque entendre son cerveau tourner à cent à l'heure.
-A ce moment là, il faudrait que j'y prenne appui pour atterrir sur son copain là-bas. C'est risqué, je n'aurais qu'une fraction de seconde pour...
-Tu vois une autre solution ? lança-t-elle.
Vaincu, il accepta. La jeune femme, malgré son bras endolori, imprima un mouvement de balancier. Nathaniel l'aidait du mieux qu'il le pouvait. Le goéland quitta son perchoir Ils comptèrent à l'unisson « Un, deux...trois ! » Elle le lâcha, et se jeta en arrière pour ne pas tomber.
Il fendit l'air à toute vitesse, agitant les bras dans un vain réflexe pour garder l'équilibre. Il appuya son pied sur le premier rocher, poussa de toutes ses forces...
Léna ferma les yeux, la tension était insupportable.
Il atterrit à quatre pattes sur bord du rocher le plus plat, à deux doigts de s'écraser plus bas. Il lui adressa un sourire d'adieu, souffla un baiser dans sa main, puis détala.
*
Après cette journée mémorable, Nathaniel disparu complètement de sa vie.
Il se dénonça, assumant sa culpabilité pour tous les meurtres qu'il avait commis. L'affaire fut très médiatisée, puis tomba dans l'oubli. Il était condamné à la prison à vie. Habituellement les tueurs en série ressortaient souvent au bout de trente ans, mais pas lui. Le procès s'était déroulé à huit clos, et les détails de l'affaire n'avaient pas été communiqués à la presse.
Il continuait de la hanter parfois, mais elle guérissait peu à peu, le temps accomplissant son œuvre. Parfois son cœur manquait un battement, lorsqu'elle pensait l'apercevoir dans la rue. Ce n'était jamais lui bien sûr. Elle ne lui en voulait plus, car c'était lui qui lui avait montré qu'elle pouvait encore être aimée et aimer en retour. Le hasard n'avait pas joué en sa faveur, dirigeant vers elle deux personnes aussi aimantes que destructrices, aussi brillantes que torturées, elle ne saurait dire pourquoi. Mais elle était forte, elle se relèverait, elle renaîtrait de ses cendres, elle repartirait à zéro, reconstruirait ses fondations plus solidement.
Elle vivrait.
A mon avis c'est la fin de l'histoire et c'est bien dommage parce que comme tu dit cette histoire est trooooooop bien!
Il était une fois, une souris nommée Bleuette qui rêvait de devenir princesse. Vous pourrez lui procurer un grand bonheur en lui envoyant des défis ( non-misés ) pour réalisé son rêve ! Elle vous en remercie d'avance !
╔══╗
╚╗╔╝. (/_/) ce serait cool qu'on puisse
╔╝(¯`v´¯) (°x°). Avoir des lapins sur cromimi
╚══`.¸ Cromimi♥. _/(")(")_ ceux qui sont d'accord avec
Moi copient ce message
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#512 Le 03-11-2012 à 12h15
C'est la fin elle vous laisse sur votre faim ? (muhaha, jeu de mots vaseux) Ca fait plaisir de voir que ça vous plaît <3
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#513 Le 03-11-2012 à 12h33
Moi j'ai fais un poème j'espère qu'il vous plaira...
Le voici:
On se parle,on est gentil mais...
D'un jour à l'autre l'écart se creuse
L'amitié se dégage de nos coeurs pour descendre aux enfers
Tandis qu'avant elle régnait au Cieux
Pourquoi tant de changement??? Est-ce fais une erreur?
Qui te sépare de moi à tous jamais?!!
Je n'ai point d'idées mais tu pourras me le dire...
Texte dédié pour mon meilleur ami
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#514 Le 03-11-2012 à 15h12
les sanglots longs des violons de l hautomne blessant mon coeur d une langueur monotone tout suffocant et bleme quand sonne l heure je me souviens des jours anciens et je pleure je m en vais au vent mauvais qui m emporte deca dela pareil a l feuille morte
Dernière modification par Nouara3 (Le 03-11-2012 à 15h13)
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#515 Le 03-11-2012 à 19h59
Je t'aime à la folie
Et tu es toute ma vie
A chaque foid que je te vois
Je suis folle de joie
Mais toi tu ne m'aimes pas
Tu es là devant moi
Mais tu ne me regarde pas
Je crois que jamais tu ne me vois
Je sanglote au fond de mon coeur
Ce monde m'écoeur
Pour toi je suis invisible
Pour moi tu es ma Bible
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#516 Le 03-11-2012 à 21h41
Avis ? ^^' j'étais dans une période tristounette et rancunière :$
Vous m'aviez dit ...
Vous m'aviez dit amies pour la vie ,
Vous fesiez des mots avec nos initiales
Vous m'avais par la suite rejeté comme une fourmi,
Une moins que rien , Une fille banales
Alors que peux avant je vous défender
Et ensemble on riaient
Mais maitenant je me méfie ,
J'en deviendrais presque parano
Je fais très attention aux nouvelles "Amie"
J'essaie de ne pas me livrer trop tôt ,
C'est a cause de gens comme ça que les personnes ne veulent plus de la vie ,
Je voulais redevenir une petite et dire que j'allais au ''dodo''
Mais vous voyez , j'ai su rester forte et maitenant je me dis fini ,
Fini cette confiance , Cette naïvaté pour laquelle les gens rester avec moi ,
Je dirai même ça y est je suis enfin ... Moi
By marion
Créatrice , merci de regarder sur mon profil pour plus d'informations.
Cordialement.
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#517 Le 04-11-2012 à 12h39
Un matin, biscotte, un jeune cromimi se réveilla. Il n'était plus dans sa cage. Il était en plein milieu d'une forêt sombre, ou, coulait une source claire. Il regarda autour de lui, il n'y vit rien, rien a part des arbres à perte de vue. Il tremblais de froid.
Chapitre 1: Milo
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Soudain, un bruissement se fit entendre. Biscotte se retourna en sursautant. Une silhouette féline glissait le long des arbres. C'etait un chat. Il etait noir, ses yeux jaunes brillaient d'un air mauvais. Biscotte se roula alors en boule pour tenter de se cacher aux yeux du prédateur, mais un crobébé au pelage marron rayé n'est pas des plus ordinaires dans la forêt sombre de Norvège. Le félin glissa lentement vers lui lorsqu'une silhouette aigue surgit parmi les arbres sombres. Elle atterrit au sommet du crâne de chat et PAF! Lui assène un coup de massue en branche de rosier. Le chat s'enfuit en miaulant tandis que le rongeur descendait de sa tête. Biscotte dévisagea l'inconnu. C'était un rongeur de gouttière tâché de orange, de gris et de marron. Il avait les yeux bleus d'un gruyère, et portait un pagne fait de feuilles d'érable et de duvet blanc. Sa massue de rosier était maintenue fermement dans ses petites pattes robustes. Il dit:
-tu as de la chance jeune crobebe que je passe par la! Willy est assez hargneux ses derniers temps.
-excusez- moi mais qui êtes vous? Demanda biscotte
-moi? Je suis qui? Je suis Milo cro d'argent 2ème mimi d'écaille et cromimi de combat!
-mimi d'écaille mais c'est quoi ça?
-je suis une sorte de garde du corps pour cromimi en perdition si tu vois ce que je veut dire.
-mais où est ma maîtresse?
-tu a été abandonné car tu n'est pas un cromimi qui n'a pas de race spécifique, regarde tu as les yeux bleus!
-mais où sommes nous?
-dans les marrais de la forêt de Norvège, je vais te conduire au village... J'essaierais de te réserver un nid dans la taverne de Mint. Mon coque-Pitt est garé derrière la source.
Biscotte se serais bien enfui loin de ce "Milo" mais, il n'avait pas le choix. Il suivit le cromimi, se retrouvant devant une sorte de moto de bois et de petits cailloux blancs qui servaient de carrosserie. Seules, deux pédales faites avec des sangles de fourrure b
rune pendaient. Milo monta à l'avant du véhicule et mît une coque de noix sur sa tête. Il en tendit une à biscotte.
-Ça va pas mal secouer je te conseille de mettre ça si tu ne veut pas finir à la morgue du village.
Intimidé, il mît le drôle de casque. Il s'était à peine assis que déjà Milo se mettait à pédaler comme un fou. Le coque-Pitt démmara avec un bruit de canon. Le petit crobébé n'arrivais même plus à ouvrir les yeux tant il allait vite.
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#518 Le 04-11-2012 à 13h35
bien peu de temps s'est écoulé depuis notre rencontre
et poutant je suis dèjà sous ton charme
et je ne te cache pas
rien qu'un regard de ta part ,je suis au paradis
il n'y plus que toi dans mon coeur
tu l'as remplis d'amour
Dernière modification par prue10 (Le 04-11-2012 à 13h35)
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#519 Le 04-11-2012 à 14h29
Prue10 ~ c'est tout mignon ^^ essaie de faire juste quelque rimes
arelessouris ~ C'est prenant comme histoire ! , il me tarde de connaitre la suite
Avis ? ^^' j'étais dans une période tristounette et rancunière :$
Vous m'aviez dit ...
Vous m'aviez dit amies pour la vie ,
Vous fesiez des mots avec nos initiales
Vous m'avais par la suite rejeté comme une fourmi,
Une moins que rien , Une fille banales
Alors que peux avant je vous défender
Et ensemble on riaient
Mais maitenant je me méfie ,
J'en deviendrais presque parano
Je fais très attention aux nouvelles "Amie"
J'essaie de ne pas me livrer trop tôt ,
C'est a cause de gens comme ça que les personnes ne veulent plus de la vie ,
Je voulais redevenir une petite et dire que j'allais au ''dodo''
Mais vous voyez , j'ai su rester forte et maitenant je me dis fini ,
Fini cette confiance , Cette naïvaté pour laquelle les gens rester avec moi ,
Je dirai même ça y est je suis enfin ... Moi
By marion
Créatrice , merci de regarder sur mon profil pour plus d'informations.
Cordialement.
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#520 Le 04-11-2012 à 14h37
bravo c'est tres jolie j'aime beaucoup!cromila47 a écrit :
Prue10 ~ c'est tout mignon ^^ essaie de faire juste quelque rimes
arelessouris ~ C'est prenant comme histoire ! , il me tarde de connaitre la suite
Avis ? ^^' j'étais dans une période tristounette et rancunière :$
Vous m'aviez dit ...
Vous m'aviez dit amies pour la vie ,
Vous fesiez des mots avec nos initiales
Vous m'avais par la suite rejeté comme une fourmi,
Une moins que rien , Une fille banales
Alors que peux avant je vous défender
Et ensemble on riaient
Mais maitenant je me méfie ,
J'en deviendrais presque parano
Je fais très attention aux nouvelles "Amie"
J'essaie de ne pas me livrer trop tôt ,
C'est a cause de gens comme ça que les personnes ne veulent plus de la vie ,
Je voulais redevenir une petite et dire que j'allais au ''dodo''
Mais vous voyez , j'ai su rester forte et maitenant je me dis fini ,
Fini cette confiance , Cette naïvaté pour laquelle les gens rester avec moi ,
Je dirai même ça y est je suis enfin ... Moi
By marion
Il était une fois, une souris nommée Bleuette qui rêvait de devenir princesse. Vous pourrez lui procurer un grand bonheur en lui envoyant des défis ( non-misés ) pour réalisé son rêve ! Elle vous en remercie d'avance !
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╚╗╔╝. (/_/) ce serait cool qu'on puisse
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#523 Le 04-11-2012 à 17h43
cromila47 c'est parce que tout a l'heure j'ai mis sur un traitement de texte et après quand j'ai fait collé ça ma déconnecte et le pire c'est que j'avais fait partir le traitement de texte.Alors j'ai du tout recommencer.
Et aussi j'ai commencé à corrigé
Dernière modification par prue10 (Le 05-11-2012 à 09h49)
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#524 Le 04-11-2012 à 18h08
cromila: merci mais je ne suis pas la seule a l'avoir;)
prue: cromila a raison mais sinon j'ai très envie de savoir la suite!
Il était une fois, une souris nommée Bleuette qui rêvait de devenir princesse. Vous pourrez lui procurer un grand bonheur en lui envoyant des défis ( non-misés ) pour réalisé son rêve ! Elle vous en remercie d'avance !
╔══╗
╚╗╔╝. (/_/) ce serait cool qu'on puisse
╔╝(¯`v´¯) (°x°). Avoir des lapins sur cromimi
╚══`.¸ Cromimi♥. _/(")(")_ ceux qui sont d'accord avec
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#525 Le 04-11-2012 à 19h17
Un matin, biscotte, un jeune cromimi se réveilla. Il n'était plus dans sa cage. Il était en plein milieu d'une forêt sombre, ou, coulait une source claire. Il regarda autour de lui, il n'y vit rien, rien a part des arbres à perte de vue. Il tremblais de froid.
Chapitre 1: Milo
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Soudain, un bruissement se fit entendre. Biscotte se retourna en sursautant. Une silhouette féline glissait le long des arbres. C'etait un chat. Il etait noir, ses yeux jaunes brillaient d'un air mauvais. Biscotte se roula alors en boule pour tenter de se cacher aux yeux du prédateur, mais un crobébé au pelage marron rayé n'est pas des plus ordinaires dans la forêt sombre de Norvège. Le félin glissa lentement vers lui lorsqu'une silhouette aigue surgit parmi les arbres sombres. Elle atterrit au sommet du crâne de chat et PAF! Lui assène un coup de massue en branche de rosier. Le chat s'enfuit en miaulant tandis que le rongeur descendait de sa tête. Biscotte dévisagea l'inconnu. C'était un rongeur de gouttière tâché de orange, de gris et de marron. Il avait les yeux bleus d'un gruyère, et portait un pagne fait de feuilles d'érable et de duvet blanc. Sa massue de rosier était maintenue fermement dans ses petites pattes robustes. Il dit:
-tu as de la chance jeune crobebe que je passe par la! Willy est assez hargneux ses derniers temps.
-excusez- moi mais qui êtes vous? Demanda biscotte
-moi? Je suis qui? Je suis Milo cro d'argent 2ème mimi d'écaille et cromimi de combat!
-mimi d'écaille mais c'est quoi ça?
-je suis une sorte de garde du corps pour cromimi en perdition si tu vois ce que je veut dire.
-mais où est ma maîtresse?
-tu a été abandonné car tu n'est pas un cromimi qui n'a pas de race spécifique, regarde tu as les yeux bleus!
-mais où sommes nous?
-dans les marrais de la forêt de Norvège, je vais te conduire au village... J'essaierais de te réserver un nid dans la taverne de Mint. Mon coque-Pitt est garé derrière la source.
Biscotte se serais bien enfui loin de ce "Milo" mais, il n'avait pas le choix. Il suivit le cromimi, se retrouvant devant une sorte de moto de bois et de petits cailloux blancs qui servaient de carrosserie. Seules, deux pédales faites avec des sangles de fourrure b
rune pendaient. Milo monta à l'avant du véhicule et mît une coque de noix sur sa tête. Il en tendit une à biscotte.
-Ça va pas mal secouer je te conseille de mettre ça si tu ne veut pas finir à la morgue du village.
Intimidé, il mît le drôle de casque. Il s'était à peine assis que déjà Milo se mettait à pédaler comme un fou. Le coque-Pitt démmara avec un bruit de canon. Le petit crobébé n'arrivais même plus à ouvrir les yeux tant il allait vite
Chapitre deux:Mint
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À peine 3 minutes plus tard, il arrivait devant une cité aux bâtiments de bois éclairée par des lampions multicolores. Milo descendit de son coque-Pitt et biscotte l'imita. Après l'avoir débarrassé de sa coque de noix, Milo donna une bourse à biscotte et lui dit:
-voici 150 mimi d'or, met cette bourse autour de ton cou et allons chez Mint pour te réserver un nid.
Aussitôt Milo et Biscotte partirent vers une grande bâtisse en bois très sombre sur laquelle était inscrit: "Taverne de Mint cro de plume". Milo poussa la porte de la taverne. À l'intérieur, 3 grandes tables étaient disposées en cercle, pratiquement chacunes occupées par des souris de gouttière bruyantes postées devant des chopes de bières cromimie ( 5% alcool ). Biscotte et Milo s'avancèrent jusqu'a la cheminée qui trônait au centre de la pièce circulaire. Une cromimi blanche avec une tache abricot sur l'oreille était entrain de servir des mimi colas à deux cro-ados. Milo l'apostropha:
-Mint!
-Oui? Dit la prénommée Mint en se retournant
-Je voudrais avoir un nid pour ce crobébé!
-Savez pas lire m'sieu? Il est marqué qu'la m'son prend pas d'crobébé!
-Mint il vient d'être abandonné !
-Ok, mais j'vous fais pas d'reduc.
-Pas de problème, j'ai ma bourse.
-V'feras 50 mi'd'or cash ou carte?
-Cash et merci.
Mint tendit une clé de fer rouillée à Milo qui la passa à biscotte.
-Petit, je doit te laisser, j'ai d'autres personnes à sauver. Monte les escaliers c'est le nid numéro 8. À demain j'essaierai de passer te voir, utilise l'argent que je t'ai passé pour te prendre à manger et ne sort pas la nuit.
-Merci beaucoup Milo.
Biscotte monta les escaliers et arriva dans un large corridor pavé avec une pierre grise et mate. Il s'approcha de la porte n°8 et l'ouvrit. Le jeune crobébé entra dans le "nid" qui était en fait une pièce circulaire, où, au centre se tenait une panière de fourrure brune remplie de duvet d'oisillon. Son ventre gargouilla bruyamment. Il regarda sa cro-montre: il était 20h. Affamé, il sortit de la taverne et demanda courageusement à une crominette qui se tenais là:
-Excusez moi, ou puis-je trouver de quoi manger?
La crominette se retourna. Elle. Était toute noire, avec deux yeux violets et de longues rayures de la même couleur qui partaient du coin de ses yeux vers ses oreilles. Elle portait un large chapeau noir encombré de toiles d'araignées et une large robe noire tenue à la taille par une chaîne.
-Tu peut m'appeller Calypso mon petit, va droit puis tourne à gauche. Tu ne pourra pas louper le commerçant, il s'appelle Opus et il a des oreilles pointues.
-Merci Calypso.
-De rien...
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